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Avis 122/10

Demande d’avis de la Commission de déontologie par une famille d’accueil

La commission a reçu un courrier d'une famille d'accueil:

« (…) Nous sommes famille d'accueil depuis février 1993 (…)

J., accueillie dans notre famille à l'âge de 13 mois, a quitté très brutalement notre maison quelques jours après sa majorité (…)

Depuis octobre 2008, nous avons été suivis par un service de placement familial. Très objectivement, malgré nos réserves quant à certaines décisions prises par le SAJ ou le service de placement familial, jamais nous avons été entendus. (…) Dès la majorité de J., ces services ont décidé, sans nous avertir, de mettre cette dernière en autonomie. La rencontre du 9 octobre 2009, où étaient présents J., son papa, le service de placement familial, la référente du papa, la déléguée du SAJ, la conseillère-adjointe de l'aide à la jeunesse et moi-même stipulait que …"au-delà de ses 18 ans, elle (J.) restera à l'internat tout en gardant ses points d'ancrage chez son papa et ses parents d'accueil ».

 

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Lors d'une audition téléphonique de la famille d'accueil, la Commission a reçu les précisions suivantes:

Mi-janvier 2010, à 18 ans et 4 jours, J. quitte son internat (5e année d'humanités), et est installée, avec l'aide et l'accord du SAJ et du service de placement familial, chez son père de naissance. Elle reste chez son père jusqu'au 08/02, puis va à l’institution le F.O. (centre d'accueil pour jeunes adultes "en fracture").

La famille d'accueil estime avoir été mise devant le fait accompli, et ne pas avoir été associée à cette décision.

La famille d'accueil reconnaît que ses contacts avec le service de placement familial et avec la conseillère sont devenus tendus et conflictuels depuis 2008, autour des attitudes éducatives et des décisions à prendre pour J.

Elle signale que le SAJ n'a donné aucune suite à ses courriers adressés après l'autonomie de J., intervenue à sa majorité.

Quelques mois après ces événements, au moment de l’entretien téléphonique, des contacts sont renoués entre J. et la fratrie de la famille d'accueil.

La conseillère, de son côté, nous donne par courrier les informations suivantes:

J'ai repris la gestion de ce dossier en mars 2008.

L'idée d'un projet de préparation à l'autonomie est pour la première fois évoquée en 2007. J. était à l'époque suivie par le Dr P. (pédopsychiatre) qui soutenait ce type de projet.

La famille d'accueil étant absolument contre cette éventualité a mis un terme au suivi. J. était pourtant désireuse de le poursuivre.

En octobre 2007, lors d'une entrevue avec sa déléguée, J. lui exprime son mal-être, son ras—le-bol et lui demande d'aborder avec ses parents d'accueil l'éventualité d'une préparation à l'autonomie.

En novembre 2007, face à eux, J. se rétracte complètement et dit qu'elle ne veut plus de l'autonomie car elle ne se sent pas prête. Dans ces conditions, l'accueil de J. dans sa famille d’accueil  est reconduit pour un an en décembre 2007 par la conseillère à l’époque.

En octobre 2008, le bilan annuel se fait avec moi. Après plusieurs mois d'attente, un SPF peut être mandaté!

En mars 2009, Mme G. (du SPF) m'adresse son rapport semestriel. Les relations entre J. et ses parents d'accueil sont particulièrement tendues. J. va mal, ne sait plus où elle en est et ne supporte plus sa famille d'accueil. Mme G. fait donc le nécessaire pour la reprise d'un suivi psychothérapeutique.

En juillet 2009, je reçois un nouveau rapport de Mme G. Les relations sont toujours assez tendues même si J. passe de moins en moins de temps auprès de ses parents d'accueil. Depuis mars, J. rentre chez son père du vendredi soir au dimanche soir. Elle ne rentre donc en famille d'accueil que pour le repas du dimanche soir et repart le lendemain pour l'internat.

J. a arrêté ses séances auprès de sa psychothérapeute. Cette dernière, comme le Dr P. a émis des doutes quant au bien fondé du maintien du placement de J. dans sa famille d'accueil.

Quand elle rencontre Mme G., J. est perdue, pleure beaucoup, dit ne plus supporter sa famille d'accueil et n'envisage pas d'y rester après sa majorité. Elle dit aussi être incapable de vivre seule ou en semi-autonomie, elle se sent trop immature. Elle émet alors le souhait d'aller vivre chez son père après ses 18 ans tout en restant à l'internat.

Dans le cadre d'un éventuel projet de retour chez son père, Mme G. a rencontré ce dernier ainsi que son assistante sociale.

Le père a pu exprimer ses inquiétudes par rapport à une mise en semi-autonomie et le projet d'un retour chez lui a dû être écarté pour diverses raisons.

Au début du mois d'août 2009, nouveau revirement de situation!

J. ne supporte plus être chez son père et dit à Mme G. préférer retourner dans sa famille d'accueil. Mme G. rencontre ensuite les parents d’accueil qui refusent dans un premier temps que J. rentre chez eux plus tôt que prévu mais qui, après discussion, acceptent qu'elle revienne mais insistent pour qu'une autre solution soit rapidement trouvée.

Mme G. aborde alors la possibilité d'un projet aux O.

Pourquoi les O.? Parce qu'il n'est pas du tout concevable d'installer J. directement en kot et qu'à 5 mois de sa majorité il nous est impossible de trouver une place en semi-autonomie dans une institution agréée de l'Aide à la Jeunesse.

Cette institution dépend du CPAS et propose aux jeunes majeurs des logements supervisés avec le soutien d'une équipe.

En octobre 2009, le bilan annuel a lieu. La situation est beaucoup plus calme et il n'est plus question de départ! En cas de nouvelle crise, l'idée de solliciter l’institution dépendant du CPAS. est évoquée et l'accueil de J. est reconduit jusque sa majorité.

Le 18 décembre 2009, Mme G. rencontre J. Elle souffre beaucoup et souhaite à nouveau tenter l'expérience avec l’institution dépendant du CPAS. Mme G (SPF). essaie d'en discuter avec la famille d’accueil qui ne veut rien entendre. Elle campe sur ses positions, ne se remet pas en question et ne peut entendre que J. est en souffrance.

Le 21 janvier 2010 (3 jours avant sa majorité!), je reçois un courrier de J. me demandant de poursuivre l'accompagnement de Mme G. Il est donc convenu de prolonger le mandat du service de placement familial d'un trimestre. Vu les énormes tensions avec la famille d'accueil, Mme G. a continué ses démarches auprès de l’institution dépendant du CPAS. et J. y est entrée au début du mois de février.

Il est vrai que cette expérience s'est soldée par un cuisant échec. Très rapidement, J. n'a plus répondu à nos sollicitations: appels en vain de la déléguée, de Mme G. et absence de J. au rendez-vous que je lui avais fixé pour officialiser son suivi "jeune majeure". Mais malgré cela, j'ai décidé de maintenir son dossier ouvert jusqu'au 23 avril 2010.

Vu sa majorité, que pouvais-je faire de plus?

Avec le recul, je me dis qu'en 2008, j'aurais peut-être dû mettre fin à son accueil chez dans la famille d’accueil et la faire entrer dans un SAAE (groupe de vie, semi-autonomie et autonomie)…"

 

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Au delà de la divergence entre la famille d ‘accueil et les intervenants, la question déontologique serait:

"Y a-t-il une erreur déontologique dans le fait que la famille d'accueil n'ait pas – n'aurait pas – été impliqué par le SAJ dans le processus amenant à la décision d'autonomie de janvier 2010?"

Dit autrement, selon la demande finale de la famille d’accueil :"Je souhaite que la conseillère et la déléguée entendent que les familles d'accueil doivent être entendues.".

La Commission retient les faits suivants.

La famille d’accueil est, selon l’article 1 §4 du décret de l’Aide à la Jeunesse, un « familier » du jeune pris en charge. L’article 6.de ce même décret précise :« Le conseiller et le directeur ne prennent, en application du présent décret, aucune mesure ou décision d'aide individuelle sans avoir préalablement convoqué et entendu les personnes intéressées à l'aide, à moins qu'elles ne puissent être entendues en raison de leur âge, de leur état de santé, de l'urgence ou de leur abstention à comparaître (...) ».

Selon les informations transmises par le S.A.J, des entretiens « bilan » ont lieu en décembre 2007, octobre 2008 puis octobre 2009.

Début octobre 2009, l’accord stipule « … au-delà de 18 ans, elle (la jeune) restera à l’internat tout en gardant ses points d’ancrage chez son papa (le père de naissance) et ses parents d’accueil ».

Dans les semaines qui suivent, la situation de la jeune fille reste difficile, y compris dans ses relations avec ses parents d’accueil.

En janvier, peu avant sa majorité, la jeune fille demande la prolongation de l’aide. Le mandat du service d’accueil familial sera prolongé pour 3 mois, cependant sans que la famille n’ait été réinterpellée par le S.A.J. Par ailleurs, quelques jours après sa majorité, la jeune fille quitte l’internat et va s’installer chez son père, puis dans un centre d’accueil pour jeunes adultes.

En tant que « familier » et « personne intéressée à l’aide », la famille d’accueil doit être impliquée dans le processus d’évaluation et de décision. Elle signe d’ailleurs, comme le bénéficiaire âgé de plus de 14 ans et les parents légaux, les accords conclus par le S.A.J.

En fonction des éléments qui lui ont été transmis, la commission estime que ni l’esprit ni la lettre du décret n’ont été suffisamment respectés quant à l’implication de la famille d’accueil.

Certes, en fonction de la situation chroniquement conflictuelle, et de la proximité de la majorité de la jeune fille, la commission peut comprendre qu’un entretien réunissant la jeune et les parents d’accueil peut être considéré comme inutile, ou stérilement confrontant, renforçant les propositions fixées et les blocages.

Cependant, un contact de quelque forme que ce soit, entre le S.A.J et les parents d’accueil, aurait été plus conforme au respect à accorder à un collaborateur de l’aide au bénéficiaire. Le service de placement en famille a pu poursuivre, tant bien que mal, l’aide à la jeune fille. Mais il a manqué d’une clôture du travail du S.A.J. avec la famille d’accueil. Il est vraisemblable que, comme dans toute relation conflictuelle, l’attitude de la famille d’accueil ait pu rendre difficile les échanges et la collaboration, mais l’absence de tout contact ou explication est un manque à l’article 6 § 1 du code de déontologie : « Les intervenants ont l'obligation, dans les limites du mandat de l'usager, du respect de la loi et du secret professionnel, de travailler en collaboration avec toute personne ou service appelé à traiter une même situation. », ainsi qu’à l’esprit du décret.

 

 

Le présent avis a été rendu lors de la séance du 27 avril 2011 de la présente Commission.

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