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Aide à la jeunesse

Avis 28/01

Demande introduite par un travailleur du secteur de l'aide à la jeunesse

Résumé de la demande

Un travailleur du secteur de l'aide à la jeunesse sollicite l'avis de la Commission quant au contenu et à la forme d'un "toutes-boîtes" qu'il a reçu à plusieurs reprises dans sa boîte aux lettres privée. Il s'interroge tant sur le contenu du courrier et aux messages qu'il véhicule que sur sa forme, notamment en ce qu'il publie la photo de mineurs confiés à cette institution.

Avis du 8 juin 2001

La demande est formulée par un travailleur du secteur de l'aide à la jeunesse.

Par lettre du 8 décembre 2000 envoyée à Madame la Ministre MARECHAL, Ministre de l'Aide à la Jeunesse et de la Santé, un "travailleur du secteur AAJ", qui ne révèle pas son identité a transmis à Madame la Ministre un exemplaire d'un "toutes-boîtes" qu'il a reçu, à plusieurs reprises, dans sa boîte aux lettres privée. Il demandait à Madame la Ministre de "solliciter un avis de la commission de déontologie portant tant sur le contenu de ce courrier et des messages qu'il véhicule que sur sa forme, notamment la publication de photos de mineurs confiés à cette institution".

Par courrier qui ne porte pas de date mais qui a été soumis aux membres de la Commission en sa séance du 24 janvier 2001, Madame la Ministre a transmis cette demande d'avis à la Commission, sans plus.

La Commission a tout d'abord constaté que Madame la Ministre ne sollicitait pas personnellement un avis de la Commission sur la question posée, se bornant à transmettre le courrier qu'elle avait reçu.

La Commission s'est ensuite interrogée à propos de l'anonymat du demandeur d'avis. Elle a considéré qu'en l'espèce cet anonymat était acceptable, ou du moins qu'il pouvait être compris, dans la mesure où le demandeur d'avis était peut-être un travailleur employé au sein de l'institution mise en cause. De plus, cette demande pose une question de principe essentielle qui mérite d'être examinée, à savoir les limites et les conditions du démarchage tendant à la récolte de fonds. La Commission a, dans ces conditions, décidé, à titre exceptionnel, de rendre un avis malgré que la demande était formulée sous le couvert de l'anonymat.

Le "toutes-boîtes" transmis à Madame la Ministre, comme précisé ci-avant, se présente de la manière suivante:

  • une lettre-circulaire indiquant ses destinataires de façon collective et stéréotypée ("Madame, Mademoiselle, Monsieur,", à l'en-tête d'une institution d'hébergement (renseignant la forme —asbl-, la dénomination sociale, l'adresse et son n° de CCP), datée du 27 octobre 2000 et dont le texte est le suivant:

      "Vous avez sans doute déjà entendu parler de notre […]. Il y a plus de quarante ans que nous avons commencé à recevoir des adolescents, puis des enfants rejetés, bousculés, abandonnés.

      Pour les générations antérieures aux nôtres, la vie humaine était plus courte et on voyait des enfants tomber orphelins. Des parents assez jeunes mouraient et les enfants en bas âge provoquaient la pitié, on les prenait en charge. Maintenant la vie est plus longue, peut-être plus compliquée pour les adultes. Il n'y a plus d'orphelins, mais des enfants abandonnés.

      De toute façon les petits ne choisissent pas… les problèmes sont différents, mais la peine et la souffrance restent les mêmes.

      Nous avons terminé la réalisation du […] qui nous a beaucoup préoccupés et mobilisés.

      Je vous explique de quoi il s'agit. Nous nous trouvons devant deux réalités. Nos enfants peuvent trouver dans nos maisons des "remplaçants" de parents, grâce à nos éducatrices et nos éducateurs, mais jamais ils ne rencontreront des grands-parents.

      Par ailleurs dans notre société, pas mal de personnes âgées s'ennuient et trouvent le temps long parce qu'elles se considèrent inutiles, comme un peu rejetées. Nous nous disons que, si nous provoquons la rencontre des plus âgés et des enfants, il pourrait y avoir bien du bonheur pour les uns et les autres. Il ne s'agit pas de provoquer un mélange des aînés et des petits de façon continue, dans une même maison, mais de donner l'occasion, par le voisinage, chacun étant chez soi, de se rencontrer.

      Il y a aussi pour nous le souci et la charge continuels de nos nombreux enfants vivant dans une quinzaine de foyers situés dans la région de […] et de […].

      Nous nous disons que vous accepterez sans doute de partager un peu avec nous pour ces petits.

      Merci déjà si vous voulez bien nous aider.

      [signature du responsable de l'institution]

      P.S. Si vous êtes déjà de nos amis, considérez cette circulaire comme une simple information. Merci. "

  • un dépliant comportant quatre faces qui se présentent comme suit:

      première face:

      - en-tête de l'institution (logo, forme —asbl-, mention de la ville où est situé son siège et n° de CCP)

      - puis, le texte suivant:

      " Notre Histoire

      C'est de manière vraiment imprévue qu'est née notre maison: un grand garçon, adolescent désemparé, ne sachant où aller, se présente chez un abbé, jeune vicaire de paroisse à […]. Accueilli, ce premier garçon en fera venir un deuxième, puis un troisième et chez nous cela n'a pas cessé d'augmenter depuis plus de 40 ans... Depuis lors, dans toute une série de petites maisons situées dans la région […] et […], nous accueillons des bambins, des enfants, des adolescents, des jeunes filles et de jeunes mamans. Nous essayons que tous ces jeunes grandissent bien pour qu'un jour leurs enfants n'aient pas besoin d'une maison comme la nôtre."

      - puis, deux photos accolées représentant des immeubles et commentées par la légende suivante: "Nos maisons de […]et […]. Deux de nos foyers où les enfants peuvent grandir et s'épanouir ".

      deuxième face: - texte suivant:

      "R. PARTAGE SON ASSIETTE.

      R. est un grand gaillard de chez nous. Il travaille comme convoyeur d'un chauffeur routier sur un gros camion. Il lui arrive de rentrer bien tard et toujours on lui garde à souper. Cette nuit-là, deux gendarmes me conduisent un jeune garçon de 15 ans, en fugue de chez des parents compliqués. Il a faim ce jeune nouveau et je le reçois à la cuisine où l'éducateur de nuit vient de réchauffer une grosse assiette de bon souper pour notre R. qui rentre d'Allemagne dans son camion. Je suis bien triste parce que les assiettes sont vides, tout est dans l'assiette bien remplie de R.. Perplexe, je dis à R.: "Tu n'en as pas trop?" Il me répond: "Sûrement pas, je meurs de faim". Je lui dis: "C'est parce que lui aussi a faim" en montrant le petit nouveau. Sans hésiter, R. partage son repas appétissant en faisant tomber la moitié de son souper dans une assiette voisine en disant: "Tiens, mange..." Le lendemain, je dis merci à R., je lui dis ma joie devant son partage. Il me répond simplement: "C'était normal, ce petit nouveau avait faim". Je sais bien que des tartines n'auraient pas manqué mais, au milieu de la nuit, un bon souper ça ne s'improvise pas. Saint Martin partageant son manteau n'a pas fait mieux..."

      - puis, une photo représentant deux jeunes personnes de sexe masculin, l'une étant un peu plus âgée que l'autre et commentée par la légende suivante: "C'est le partage et l'amitié qui donnent du bonheur."

      troisième face: texte suivant:

      "B.

      Elle avait 4 ans quand elle nous est arrivée enfant battue et maltraitée. Pendant des années elle a grandi chez nous, studieuse, travaillant bien, grandissant comme une adolescente généreuse, elle a décidé de devenir éducatrice à son tour. A vingt-trois ans la voilà fiancée, sur le point de se marier, en plus elle est éducatrice auprès de handicapés profonds. Elle nous donne bien de la joie. "

      - puis, une photo représentant une dame adulte souriante et un enfant à côté d'elle, souriant également et commentée par la légende suivante: "Quand on partage sa tendresse, il y a du bonheur de part et d'autre. "

      - puis, à nouveau un texte:

      "TOUS NOS ENFANTS ONT UN DÉNOMINATEUR COMMUN ET TRAGIQUE: CELUI DE NE POUVOIR VIVRE AU SEIN D'UNE FAMILLE NORMALE, AUPRÈS D'UNE MAMAN ET D'UN PAPA. MÊME SI VOTRE DON VOUS PARAIT MINIME, POUR NOUS, LES PETITS RUISSEAUX... MERCI DE NOUS AIDER."

      quatrième face:

      - texte suivant:

      "Nous savons bien et nous l'avons déjà dit que, malheureusement, nous n'arrivons pas à remplacer une maman ou un papa... Nous voudrions au moins que sur le plan matériel nos petits soient "comme tout le monde", comme tous les enfants de chez nous. Merci de comprendre tout cela et de nous y aider."

      - à côté de ce texte, une photo représentant un jeune garçon souriant et commentée par la légende suivante: "Un sourire plein de promesses pour l'avenir. A nous de l'aider à bien le construire "

      - puis, à nouveau un texte: "Si vous pensez que notre travail sert à quelque chose, que nous ne perdons pas notre temps, soyez généreux... nous vous disons déjà merci.

      EXONÉRATION FISCALE Si vos dons atteignent 1 000 F dans l'année, nous vous enverrons en janvier prochain une attestation pour exonération fiscale et vous payerez moins d'impôts. Si vous ne le désirez pas, ayez la gentillesse de nous le signaler.

      Compte: […] de […] "

      - un bulletin de virement bancaire déjà complété à l'ordre de l'institution et où le donateur n'a plus qu'à libeller son propre numéro de compte, son identité et le montant qu'il veut payer.

    En sa séance du 24 janvier 2001, la Commission a décidé d'envoyer au responsable de l'institution concernée la lettre suivante:

    "Monsieur le Directeur,

    La commission de déontologie a été saisie en décembre 2000 d'une demande d'avis relative à un " toutes-boîtes " distribué à votre initiative (voir ci-joint copie de ce document).

    Le demandeur se questionne sur la conformité des messages qu'il contient et des photos qui y apparaissent avec les exigences du code de déontologie élaboré en application de l'article 4 du décret relatif à l'aide à la jeunesse.

    Conformément à notre règlement d'ordre intérieur, nous vous informons de cette demande et nous vous invitons -si vous l'estimez opportun - à nous fournir toutes explications que vous jugeriez utiles.

    Nous souhaitons par ailleurs que vous nous fassiez savoir si les enfants représentés sur les photos émargent ou non de l'aide à la jeunesse et si les prénoms figurant dans le dépliant sont d'emprunt.

    Pour rappel, nous précisons que la commission n'est en rien une instance disciplinaire.

    Nous vous remercions pour votre collaboration.

    Veuillez croire, Monsieur le Directeur, en l'assurance de nos sentiments les meilleurs."

    et a reçu la réponse suivante:

    " Monsieur le Président,

    Comme suite à votre lettre de ce 30 janvier, je voudrais vous faire part de notre façon de faire au sujet des circulaires ‘ toutes-boîtes'.

    Quand nous racontons des histoires d'enfants, nous les transformons toujours un peu pour que personne ne puisse identifier le jeune dont nous parlons: nous changeons le prénom, à l'occasion l'âge de l'enfant et le milieu géographique de son origine.

    Quant aux photos publiées, nous veillons à ne faire paraître que des enfants qui sont extérieurs à notre maison, qui n'émargent pas de l'aide à la jeunesse et nous le faisons, en plus, avec l'autorisation des mamans de ces jeunes.

    Ainsi, là où l'on voit deux jeunes, il s'agit d'un éducateur stagiaire et d'un enfant relevant du CPAS de […] pour lequel nous avons eu l'autorisation de son assistante sociale.

    La petite qui se trouve à côté de la dame plus âgée est une enfant qui venait chez nous le week-end, de même que le petit figurant en page 4.

    Je vous signale cependant qu'à l'occasion de reportages ou de manifestations de l'aide à la jeunesse, il nous est apparu clairement que les normes de discrétion au sujet d'enfants placés semblaient bénéficier d'une interprétation large et accommodante.

    Nous sommes bien sûr à votre disposition pour toute information qui pourrait nous concerner à ce sujet et je vous prie d'agréer, Monsieur le Président, l'expression de ma meilleure considération.

    […]

    Administrateur délégué."

    Avis

    La Commission:

  • considère qu'il n'y a pas d'objection de principe à ce qu'une institution sollicite des fonds auprès du public, la pratique étant d'ailleurs courante dans le secteur de l'aide à la jeunesse;
  • considère que le contenu du message véhiculé par les documents qui lui sont soumis ne pose pas, en lui-même, de problème;
  • considère qu'en revanche l'utilisation de photographies d'enfants accolées à ce message n'est pas acceptable et qu'il importe peu, à cet égard, que les enfants photographiés soient, ou non, placés dans l'institution concernée;
  • rappelle, pour autant que de besoin, l'article 14 du Code de déontologie qui prévoit que "eu égard au respect de la vie privée, les intervenants doivent s'abstenir de participer ou de contribuer à la diffusion et à la publication d'informations par le biais d'un quelconque support médiatique, de nature à permettre l'identification des bénéficiaires de l'aide" et qu'il ne peut être dérogé à cette règle "que si l'intérêt du jeune le justifie et avec l'accord de celui-ci s'il est capable de discernement ou, dans le cas contraire, de ceux qui administrent sa personne"
  • considère qu'en tout état de cause et indépendamment de ces règles prévues par le code de déontologie, en l'espèce, même si les enfants photographiés ne sont pas des bénéficiaires de l'aide à la jeunesse, le lien qui est nécessairement établi entre ces enfants et le message diffusé - le texte laisse évidemment croire que les personnes photographiées sont celles dont il relate l'histoire - risque d'entraîner un phénomène de stigmatisation à l'égard de ces enfants, notamment de la part des personnes susceptibles de les reconnaître ou de les identifier et que, sur ce point, les explications fournies par le responsable de l'institution paraissent peu satisfaisantes. D'une part, l'accord donné par une assistante sociale d'un CPAS dont relève un des enfants photographiés ne peut suffire, celle-ci ne disposant pas de l'autorité parentale sur l'enfant. D'autre part, il est précisé que seul l'accord des mères a été demandé alors que, sauf décision judiciaire contraire, l'exercice de l'autorité parentale est conjoint et rend donc également nécessaire l'accord des pères. Enfin, on peut se demander si les parents ont donné leur accord en totale connaissance de cause et après une information adéquate.
  • considère que le message examiné pourrait facilement être illustré par des moyens ne comportant pas de risque d'atteintes à l'image et la vie privée de jeunes (dessins, photographies d'œuvres d'art ou de personnes vues de dos et ne permettant pas une identification, …).

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