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Avis 123/10

Demande d’avis de la Commission de déontologie par la Ministre de l’aide à la jeunesse

La Commission reçoit de la Ministre de la Jeunesse et de l'aide à la Jeunesse la demande suivante:

"Monsieur le Président,

Je me permets de solliciter la Commission de déontologie afin d'avoir un avis concernant un aspect du travail des services d'accrochage scolaire.

Récemment, les services d'accrochage scolaire ont interpellé ma collègue de l'Enseignement obligatoire (…) et moi-même, sur l'application de l'art 35 du décret du 12 mai 2004. Cet article précise les obligations des services en matière de bilan à remettre sur la prise en charge du mineur.

Ces services nous ont fait part de leurs difficultés à comprendre et à appliquer cet article. En effet, il leur semble compliqué d'exécuter leur obligation de dresser un bilan sur la situation des jeunes tout en respectant leurs devoirs en matière de secret professionnel, tel que prévu dans le décret.

Je souhaiterais dès lors un avis motivé et circonstancié de la Commission sur cette question de l'articulation du secret professionnel auquel sont soumis les travailleurs des services d'accrochage scolaire et la rédaction du bilan prévue à l'article 35 précité.

Ci-dessous, vous trouverez l'article dont il est question. Le décret est annexé au présent document.

Je vous prie d'agréer, Monsieur le Président, l'assurance de ma considération distinguée."

 

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Pour une compréhension du contexte de travail des Services d'Accrochage Scolaire (SAS), la Commission reprend certains articles du chapitre IV (Accompagnement des mineurs accueillis par les Services d'Accrochage Scolaire) du Décret portant diverses mesures de lutte contre le décrochage scolaire, l'exclusion et la violence à l'école (D. 12.05.2004, modifié D. 15.12.06 et 08.01.2009) :

Article 31 § 1 :"D'initiative ou sur la recommandation de l'établissement d'enseignement, du centre psycho-médico-social, des instances visées aux articles 80, § 3, du décret du 24 juillet 1997 précité, de l'Administration générale de l'Enseignement et de la Recherche scientifique ou du Conseiller de l'Aide à la jeunesse, du Directeur de l'Aide à la Jeunesse ou du Tribunal de la Jeunesse, le mineur visé aux articles 30, 31 et 31bis du décret du 30 juin 1998 précité, ses parents ou la personne investie de l'autorité parentale peuvent s'adresser à un service d'accrochage scolaire afin que le mineur y soit pris en charge."

Article 32: "Le service d’accrochage scolaire travaille sur la base volontaire du mineur et de ses parents ou de la personne investie de l’autorité parentale, en partenariat avec les centres psycho-médico-sociaux, les établissements d’enseignement et l’instance compétente visée, selon le cas, à l’article 80, § 3, ou à l’article 88, § 3, du décret du 24 juillet 1997 précité. L’instance compétente visée, selon le cas, à l’article 80, § 3, ou à l’article 88, § 3, du décret du 24 juillet 1997 précité, est celle dont relève l’établissement d’enseignement fréquenté en dernier lieu par le mineur. (…)

Ces deux articles indiquent que le travail des SAS se fait sur une base volontaire et que le service n'est pas mandaté. Ils démontrent également que le SAS travaille en "partenariat obligé“ avec certains des acteurs présents à la mise en route de sa mission (l’école, de toute manière, ainsi que, selon le cas, certains intervenants à la base de sa mission : PMS, SAJ, SPJ,…).

Article 33: "L’équipe socio-éducative du service d’accrochage scolaire élabore avec chaque mineur et ses parents ou la personne investie de l’autorité parentale un projet personnel qui tient compte du vécu du mineur et le cas échéant de son plan d’apprentissage et d’un projet social individualisés. Ce projet est discuté régulièrement avec le mineur afin d’en percevoir l’évolution et de permettre le réajustement des objectifs poursuivis.

Le service d’accrochage scolaire cherche à faire émerger les difficultés spécifiques de chaque mineur et développe des outils permettant de trouver des solutions à ses différentes difficultés."

Cet article met en évidence que le contenu du travail, le "projet personnel", est élaboré avec le mineur et la famille en tenant compte des difficultés.

 

 

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Au niveau de l'intervention du SAS, il y a donc d’un côté un réseau de partenaires, réseau défini lors de la mise en route de la mission, et d’un autre côté le jeune et sa famille, avec leurs difficultés spécifiques.

Le réseau de partenaires suppose la mise en œuvre de l'obligation de collaboration qui fait l'objet de l'article 6, al. 1er du Code de déontologie :

"Les intervenants ont l’obligation, dans les limites du mandat de l’usager, du respect de la loi et du secret professionnel, de travailler en collaboration avec toute personne ou service appelé à traiter une même situation."

Cette obligation de collaboration doit être mise en œuvre en maintenant le jeune et sa famille au centre du dispositif d'aide ainsi que le prévoit l'article 6, al. 3 du Code déontologie :

"La collaboration entre les services suppose la délimitation et le respect du rôle et des compétences de chacun des acteurs, ainsi qu’un échange d’informations. Cet échange doit s’effectuer avec la collaboration des personnes concernées, le jeune et sa famille demeurant au centre de l’action."

L'obligation de maintenir le jeune et sa famille au centre de l’action suppose qu'ils soient également au cœur de la communication. Cela signifie notamment que le jeune et la famille doivent être avisés par le service tant des informations qui vont être communiquées que des personnes et/ou services destinataires de celles-ci. Ils doivent également marquer leur accord sur cet échange. Il appartient au service de recueillir cet accord.

En outre, l'obligation de délimiter et de respecter les rôles et les compétences des différents intervenants implique que les informations échangées sont les informations nécessaires au travail du partenaire (et non l’ensemble de confidences éventuellement recueillies), avec le jeune et sa famille au centre de l’action, et donc aussi de la communication. Ainsi, il peut s’avérer nécessaire qu’un SAS transmette – toujours en informant le bénéficiaire et/ou la famille – certaines informations à un partenaire (un PMS, un service de Santé Mentale s’engageant à un suivi psychologique, le SAJ, le SPJ…) et pas à d’autres partenaires.

Au sein du réseau de partenaires, certains de ceux-ci sont tenus au secret professionnel et d'autre pas.

Dès lors que les partenaires poursuivent une même mission à l'égard du jeune et qu'ils sont tous tenus au secret professionnel, la communication d'information intervient dans le cadre du secret professionnel partagé visé par l'article 7, al. 1er du Code de déontologie :

"Sans préjudice des dispositions prévues à l’article 12, tout renseignement de nature personnelle, médicale, familiale, scolaire, professionnelle, sociale, économique, ethnique, religieuse, philosophique, relatif à un bénéficiaire de l’aide ne peut être divulgué. Il ne peut être transmis qu’à des personnes tenues au secret professionnel, si cette communication est rendue nécessaire par les objectifs de l’aide dispensée et si elle est portée préalablement à la connaissance du bénéficiaire et, s’il échet, de ses représentants légaux."

Cet article du Code de déontologie résume les conditions auxquelles il peut y a avoir un secret professionnel partagé, conditions que la Commission a plusieurs fois déjà résumées comme suit :

1°        L'obligation pour le dépositaire du secret d'aviser le maître du secret, en l’occurrence, le bénéficiaire de l’aide, et, le cas échéant, ses représentants légaux, de ce qui va faire l'objet du partage, d'une part, et des personnes à qui le secret va être partagé, d'autre part.

2°        L'obligation pour le dépositaire du secret de recueillir l'accord du maître du secret sur ce partage. Cette condition se justifie dans la mesure où, dans les principes, le partage du secret professionnel reste une révélation interdite par la loi.

3°        L'obligation pour le dépositaire du secret de ne partager le secret qu'avec des personnes tenues elles-mêmes au secret professionnel.

4°        L'obligation pour le dépositaire du secret de ne partager les confidences qu'avec des personnes tenues à la même mission. L'exigence de la mission commune est une des conditions fondamentales. Elle trouve sa justification dans le fait que tous les professionnels qui interviennent à propos d'une même situation ne poursuivent pas nécessairement des finalités compatibles entre elles.

5°        L'obligation pour le dépositaire du secret de limiter le partage à ce qui est strictement nécessaire pour la réalisation de la mission commune.

D’autres partenaires, tels l'école ou une école de devoirs, ne sont pas tenus au secret professionnel, c'est-à-dire à une obligation de se taire sous peine de sanction pénale. Par contre, ces intervenants sont tenus à un devoir de discrétion. Ils ne peuvent pas révéler inutilement des informations confidentielles et causer ainsi un dommage au jeune ou à sa famille.

Dès lors qu'un des partenaires n'est pas tenu au secret professionnel, il n'y a pas de place pour le secret professionnel partagé dans le cadre de la collaboration entre celui-ci et le SAS.

Les seuls qui sont susceptibles de transmettre l'information sans violer le secret professionnel sont le jeune et sa famille. Le professionnel tenu au secret peut les assister et assurer un rôle de "facilitateur de communication", et non d'informateur direct.

 

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L’article 35 dispose que :

"Le service d’accrochage scolaire adresse, au minimum, un premier bilan aux partenaires impliqués dans le mois qui suit la date de prise en charge du mineur, et un second bilan avant le retour du mineur au sein d’un établissement d’enseignement ou d’une autre structure de formation.

Les travailleurs du service d’accrochage scolaire respectent le secret professionnel et le code de déontologie de l’Aide à la jeunesse. Les bilans contiennent une analyse de la situation de départ et une explication du travail entrepris. Ils donnent des éléments permettant aux partenaires d’évaluer la progression du mineur et de mettre en place les conditions nécessaires à une bonne intégration.

Par partenaires impliqués, au sens du présent article, il y a lieu d’entendre notamment les centres psycho-médico-sociaux et les établissements d’enseignement concernés, et s’il échet, le Conseiller de l’Aide à la Jeunesse, le Directeur de l’Aide à la Jeunesse et le Tribunal de la Jeunesse."

 

Sur la base de ce qui précède, la Commission est d'avis que :

*          Le "bilan" est un mot-cadre général, qui ne préjuge pas, en soi, ni de son contenu, ni de la procédure à suivre (A la différence de "l’expertise" par exemple, définie par le Code Judiciaire, articles 962 et suivants).

*          Vu la formulation de l'article 35, la Commission estime que le bilan est un document écrit.

*          Le bilan est un des outils permettant la mise en œuvre de l'obligation de collaboration que doit respecter le SAS. Il contient les éléments que le SAS estime devoir porter à la connaissance des partenaires de façon "formalisée" (un mois après le début de la mission et avant le retour au sein d’un établissement d’enseignement ou d’une autre structure de formation).

*          Le contenu du bilan doit respecter le secret professionnel. Par conséquent, il doit être limité aux éléments nécessaires à l'exécution de la mission du partenaire. Le SAS doit veiller à taire des éléments qui ne sont pas nécessaires, cette appréciation étant laissée à la responsabilité du SAS.

*          La communication du bilan doit également respecter le secret professionnel. A cette fin, le SAS doit :

-          Informer le jeune et sa famille des informations qui vont être communiquées;

-          Informer le jeune et sa famille des personnes ou services destinataires de l'information;

-          Recueillir l'adhésion du jeune et de sa famille sur ce partage;

-          D'impliquer le mieux possible le jeune et sa famille dans ce partage afin de les laisser au centre de l'intervention et de le permettre la détermination des informations communiquées spécialement dans le cas où le partenaire n'est pas tenu au secret professionnel.

A cet égard, tant l'obligation légale au secret professionnel que le Code de déontologie, impose au SAS de discuter le contenu du bilan écrit avec le bénéficiaire et/ou sa famille. Pour favoriser au mieux la "transparence" de ce qui est transmis, la signature conjointe du bilan par le bénéficiaire et le SAS peut par exemple être un moyen. Cette signature par les bénéficiaires permet également de les responsabiliser/conscientiser comme acteur du travail. Le cas échéant, les points de vue différents, voire divergents des uns et des autres y seront signalés. Ce bilan écrit pourrait également être complété par un entretien où participent le SAS, le jeune (éventuellement avec ses parents) et les partenaires.

*          Le respect du bénéficiaire et de sa famille impose que soit clairement indiqué, dans le "projet spécifique" et ses modalités (article 26 § 2 et 3 du Décret), quelle sera la procédure utilisée pour effectuer ce bilan, et que cette procédure soit communiquée lors de la mise en place de la mission, tant aux partenaires qu'au jeune lui-même et à sa famille (dans le même sens, voy. avis 110).

Ce bilan est donc à comprendre comme le "bilan du travail effectué"; par exemple de l’avancement de la mission, les conditions prévues pour un aboutissement favorable ;… et non comme un rapport reprenant des éléments confidentiels sur l’histoire psychosociale d’un jeune.

 

Le présent avis a été rendu lors de la séance du 26 février 2011 de la présente Commission.

Il a été communiqué aux parties concernées.

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