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Avis 120/10

Avis d’initiative de la Commission de déontologie

La Commission a pris connaissance de la situation suivante qui l'amène à rendre, d'initiative,  le présent avis.

Un jeune, âgé de 17 ans, qui avait des antécédents sur le plan protectionnnel, a, pour des faits graves, fait l'objet d'un placement, à titre de mesure provisoire, dans une I.P.P.J. à régime fermé.

Alors qu'il est toujours âgé de 17 ans, le tribunal de la jeunesse ordonne un dessaisissement  avec exécution provisoire. Le jeune quitte donc l'I.P.P.J.

Deux mois et demi plus tard, alors qu'il est toujours âgé de 17 ans, la chambre de la jeunesse de la cour d'appel infirme la décision du tribunal de la jeunesse et décide qu'il n'y a pas lieu de se dessaisir. Après avoir déclaré les faits établis, il ordonne à nouveau le placement du jeune à l'I.P.P.J. à régime éducatif fermé jusqu'à l'âge de 20 ans.

Il faut relever que, dans son arrêt, la cour d'appel souligne, d'une part, le caractère éducatif que doit présenter la prise en charge du jeune dans l'I.P.P.J. à régime éducatif fermé et, d'autre part le fait que ce régime lui est défini, par le détail, par le directeur de l'établissement.

Alors qu'il était âgé de 18 ans, le jeune fugue de l'institution. A cette occasion, il a commis de nouveaux faits. Il a été arrêté puis placé sous mandat d'arrêt. Il a, ensuite, été condamné à une peine d'enfermement ferme qu'il a purgé.

Lorsqu'il a été libéré, le tribunal de la jeunesse a ordonné que, conformément à ses décisions précédentes, le jeune soit réintégré à l'I.P.P.J. à régime éducatif fermé, et ce jusqu'à l'âge de 20 ans.

Toutefois, le tribunal de la jeunesse a décidé que le jeune ne pourrait plus faire l'objet d'aucune sortie compte tenu du risque de fugue.

 

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 Madame CROLLEN n'a pas pris part aux délibérations et à la rédaction du présent avis.

 

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La Commission rappelle, tout d'abord, qu'elle respecte les décisions judiciaires à l'égard desquelles elle n'a aucune compétence.

Dans la présente espèce, elle s'intéresse aux effets que produit, sur le travail des professionnels, la décision de ne plus autoriser aucune sortie jusqu'à l'âge de 20 ans.

En effet, cette décision empêche les professionnels de l'I.P.P.J. de mettre en œuvre le projet pédagogique de l'établissement. Celui suppose de pouvoir disposer de la possibilité de sortie pour assurer un travail éducatif.

Privés d'un de leurs outils pédagogiques les plus essentiels, les professionnels sont mis en difficulté pour exercer leur fonction à l'égard d'un cas très difficile qui aurait, au contraire, supposé qu'ils disposent de l'ensemble de leurs moyens pédagogiques d'intervention.

En outre, la décision d'interdire toute sortie, a pour effet que le placement en régime éducatif fermé s'apparente à un enfermement sécuritaire, pénal ou sanctionnel puisque les sorties sont un des éléments essentiels qui distingue l'enfermement protectionnel et éducatif des autres types d'enfermement.

Les professionnels du secteur de l'aide à la jeunesse dont la finalité du travail est prioritairement éducative ne sont donc pas en mesure, dans de telles conditions, d'assurer leur fonction éducative. Ils sont dans une situation similaire à celle mise en évidence par la Commission dans son avis 45/02 concernant les professionnels du secteur travaillant dans le centre fédéral fermé.

La Commission rappelle que, conformément à l'article 4, al. 3 du Code de déontologie, dans le secteur de l'aide et de la protection de la jeunesse, les pratiques professionnelles ne peuvent s'inscrire dans un contexte prioritairement sécuritaire ou répressif.

La Commission est d'avis que tel est le cas lorsque, dans un établissement à régime éducatif fermé, il est fait une interdiction catégorique d'utiliser les sorties à des fins éducatives. Les sorties sont, en effet, le moyen privilégié d'éviter toute dimension sécuritaire ou répressive inutile dans un contexte où le jeune les perçoit déjà de manière fort intense.

La Commission constate que les travailleurs de l'I.P.P.J. sont coincés entre, d'un côté, le respect dû aux décisions judiciaires et, de l'autre, celui dû à la déontologie du secteur. Cette position est inconfortable. Elle est également insatisfaisante tant pour les professionnels que pour le jeune et ses proches.

La Commission est d'avis que :

-          Les responsables de l'établissement fassent connaître leur malaise, par exemple, par un courrier adressé aux différentes autorités responsables de la situation (juge de la jeunesse, parquet, direction générale de l'aide à la jeunesse, ministre,…). Si cela s'avère nécessaire, la Commission n'aperçoit aucun inconvénient à ce que le présent avis soit joint à ce courrier.

-          Ce malaise doit être relevé dans les rapports transmis à l'autorité de placement en lui expliquant, concrètement et avec des exemples à l'appui, en quoi le travail éducatif est affecté par l'interdiction de sortie;

-          Des réunions de concertation doivent être organisées à l'initiative du secteur de l'aide à la jeunesse pour, d'une part, mieux faire connaître les projets pédagogiques des I.P.P.J.aux magistrats et, d'autre part, pour favoriser le respect du travail de chacun et des dimensions éducatives auxquelles sont tenus les professionnels du secteur.  

 

 

Le présent avis a été rendu lors de la séance du 16 juin 2010 de la présente Commission.

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