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Aide à la jeunesse

Avis 110/09

Demande d’avis de la Commission de déontologie par des services agréés de l’aide à la jeunesse

La Commission a reçu la demande suivante:

Nous représentons deux services de l'Aide à la Jeunesse qui interviennent sous mandat d'un Juge de la Jeunesse, d'un Directeur ou d'un Conseiller de l'aide à la jeunesse.

Même si nous travaillons sous mandat, nous ne pouvons le faire que conformément à la déontologie des professions des membres du service et à la déontologie du secteur.

Un des aspects importants est de respecter le bénéficiaire de l'aide comme sujet de l'intervention, et ce même si celle-ci se situe dans le champ de la contrainte.

A cet égard, lorsque nous rédigeons des rapports sur ces bénéficiaires, il nous paraît que les respecter comme sujet est de leur remettre un exemplaire de ce qui est écrit à leur propos. Parce que ces écrits traitent de leurs personnes et de leur existence, ce qu'ils contiennent leur appartient bien plus qu'à l'autorité mandante. Ils doivent donc pouvoir en disposer. A défaut, nous nous trouvons dans une position de "regard sur un objet" et non d'un "travail avec un sujet".

De plus nous postulons que de cette façon, ces rapports peuvent être des leviers pédagogiques.

En effet pour que ces bénéficiaires puissent être sujets et acteurs dans le travail qu'ils mènent avec nos services, il est important qu'ils puissent, d'un côté, exprimer leur perception de la situation et, de l'autre, saisir la manière dont celle-ci est reçue et analysée par les travailleurs sociaux. Pour ce faire, il est indispensable qu'ils puissent disposer de l'écrit de manière à pouvoir l'examiner attentivement et à plusieurs reprises dans les meilleures conditions qui soient.

Dans son livre "Réussir la protection de l'enfance avec les familles précarisées (édition Quart Monde, 2008)", Marie-Cécile Renoux écrit :  « Dans son arrêt de 1995 comme dans bien d'autres, la Cour européenne des droits de l'Homme affirme que ce qui a altéré le droit des parents à un débat contradictoire est le fait que les rapports sociaux ne leur aient pas été "communiqués". Elle ne s'est pas contentée de dire que c'est le fait que les parents n'aient pas eu le droit d'en prendre connaissance. La nuance est très importante. Or en droit procédural, communiquer une pièce signifie en remettre une copie. (…) Pour qu'ils puissent débattre efficacement, les intéressés doivent avoir la possibilité de lire autant de fois qu'ils le souhaitent, d'annoter, de commenter les écrits des travailleurs sociaux, afin de pouvoir à l'audience répondre à tout ce qui leur semble à tort ou à raison contestable. »

Si cela est vrai pour des débats judiciaires, il ne peut en être autrement pour le travail sur le terrain. Au contraire, il est au moins tout aussi important que, lors de l'intervention, les bénéficiaires puissent être en mesure d'agir pleinement comme acteur au même titre que les intervenants.

La Direction Générale de l'aide à la jeunesse nous dit que nous ne pouvons pas communiquer ces rapports que ce soit aux parents, au mineur ou à leurs conseils. Malheureusement, nous ne savons pas sur quelle base légale elle se réfère. Nous avons le sentiment que notre administration risque de nous mettre en porte-à-faux avec notre déontologie.

Pourriez-vous nous donner votre avis sur cette question et, notamment, nous indiquer si la pratique qui consiste à remettre une copie du rapport qui sera envoyé au mandatant est ou non conforme au Code déontologie et, notamment, à son article 2, dernier alinéa ?

 

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La Commission fonde principalement son avis sur les articles 6 et 7 du Code de déontologie.

L'article 6, al. 2 et 3 dispose que :

La collaboration entre les services d'aide à la jeunesse suppose une connaissance mutuelle des services, de leurs objectifs, de leur cadre réglementaire, de leurs compétences et spécificités, ainsi que des personnes travaillant dans ces services. Les intervenants sont dès lors tenus de développer cette connaissance par les contacts nécessaires en vue de favoriser la collaboration entre services.

La collaboration entre les services suppose la délimitation et le respect du rôle et des compétences de chacun des acteurs, ainsi qu'un échange d'informations. Cet échange doit s'effectuer avec la collaboration des personnes concernées, le jeune et sa famille demeurant au centre de l'action.

L'article 7, al. 1er et al. 3 et 4 dispose que :

Sans préjudice des dispositions prévues à l'article 12, tout renseignement de nature personnelle, médicale, familiale, scolaire, professionnelle, sociale, économique, ethnique, religieuse, philosophique, relatif à un bénéficiaire de l'aide ne peut être divulgué. Il ne peut être transmis qu'à des personnes tenues au secret professionnel, si cette communication est rendue nécessaire par les objectifs de l'aide dispensée et si elle est portée préalablement à la connaissance du bénéficiaire et, s'il échet, de ses représentants légaux.

(…)

Les intervenants communiquent aux bénéficiaires les informations qui les concernent, soit à la demande de ceux-ci, soit si les intervenants estiment que cette communication est susceptible de favoriser l'épanouissement des bénéficiaires. Les intervenants veillent à ce que les informations soient transmises de manière à ne pas perturber gravement le bénéficiaire.

Les informations personnelles concernant d'autres personnes impliquées dans l'aide accordée au bénéficiaire ne peuvent lui être communiquées que moyennant l'accord de celles-ci et si cette transmission est conforme à la finalité de cette aide".

 

1.         La Commission précise tout d'abord qu'elle distingue la prise de connaissance par les bénéficiaires et la communication d'informations.

Par prise de connaissance, il faut entendre la lecture d'un document contenant l'information sans possibilité d'avoir une copie intégrale du document. Il peut également s'agir d'une connaissance du contenu d'un rapport par la lecture ou le résumé qui en est fait par un tiers.

Par communication, la Commission entend la transmission d'une information complète et intégrale de ce qui fait l'objet du rapport. Elle peut prendre la forme d'une remise d'une copie du rapport aux conditions fixées ci-dessous. La Commission est d'avis que, dans les dispositions du Code de déontologie susvisées, le terme communication doit recevoir le sens ainsi précisé.

 

2.         La Commission tient également à rappeler qu'un rapport rédigé à propos des bénéficiaires de l'aide est, avant tout, un instrument qui doit contribuer à les aider.

            A cet égard, le rapport doit se situer dans la perspective mise en avant par l'article 8 :

Les intervenants s'assurent que le bénéficiaire ou ses représentants apprécient en pleine connaissance de cause la nécessité, la nature et la finalité de l'aide ainsi que ses conséquences et puissent dès lors faire valoir leurs droits.

Ils sont tenus de formuler leurs propositions et décisions relatives à cette aide dans un langage compréhensible et lisible énonçant, sous réserve du respect du secret professionnel et de la vie privée d'autrui, les considérations de droit et de fait qui les fondent.

            Le rapport n'est donc pas un document secret accessible aux seuls professionnels. Au contraire, il doit permettre aux bénéficiaires de l'aide d'apprendre ce qui est dit sur eux, l'analyse qui est faite de leur situation par les professionnels et y réagir, notamment, avec l'aide des personnes prévues à l'article 8 du décret de la Communauté française du 4 mars 1991 relatif à l'aide à la jeunesse ou de leur avocat.

            Le rapport est un instrument qui permet le débat entre les professionnels et les demandeurs d'aide pour autant que les différentes parties à ce débat en disposent de manière équivalente. Par son rapport, un professionnel soumet son analyse et ses conclusions à la critique de tous ceux qui sont concernés par son intervention.

            La Commission rappelle également que la question qui lui est posée se situe dans le contexte de l'aide à la jeunesse, c'est-à-dire un contexte d'aide sociale. Pour rappel, aider quelqu'un consiste à le soutenir, l'assister, le seconder, le secourir, l'épauler, le protéger, le responsabiliser. La notion d'aide suppose donc que celui qui en fait l'objet reste pleinement acteur. Même dans le cadre de l'aide contrainte, les bénéficiaires restent des acteurs privilégiés puisqu'ils doivent être associés à la mise en œuvre des mesures (art. 7 du décret).

            Cette place d'acteur ne peut être pleinement assumée que si le bénéficiaire de l'aide dispose de l'ensemble des éléments qui sont mis en débat, ce qui suppose à son égard une totale transparence.

 

3.         Pour réaliser la collaboration visée à l'article 6 et les conditions du partage d'information prévu à l'article 7, al. 1er, l'article 7, al. 3 institue l'obligation de principe de communiquer aux bénéficiaires les informations qui les concernent, soit à la demande de ceux-ci, soit si les intervenants estiment que cette communication est susceptible de favoriser l'épanouissement des bénéficiaires.

La communication des informations est donc le principe de base. Toutefois, l'article 7, al. 3 du Code de déontologie en soumet l'exercice à la responsabilité des professionnels puisqu'ils doivent décider si la communication est susceptible de favoriser l'épanouissement des bénéficiaires. En soumettant l'exercice de ce principe à cette exigence, le Code reconnaît, implicitement mais certainement, au professionnel, à l'instar de ce que la loi du 22 août 2002 relative aux droits des patients reconnaît au médecin à l'égard de son patient (art. 7, §4), la possibilité de refuser la communication des informations pour autant que ce soit dans le but de l'aider.

Dans l'application des principes, le professionnel est donc renvoyé à sa conscience subjective. Il doit agir en fonction de ce qu'il croit, après une analyse rigoureuse, être de nature à favoriser l'épanouissement des bénéficiaires, le jeune et sa famille demeurant au centre de l'action comme le rappelle l'article 6 du Code de déontologie.

 

4.         Sur le plan déontologique, la communication, aux bénéficiaires de l'aide, des rapports rédigés par les services n'est ni interdite ni imposée.

            Même si le principe de base est la communication – la transparence se justifiant par le fait que l'intervention a pour objet une aide sociale –, fondamentalement, cette communication relève en premier lieu du projet pédagogique qui est un des instruments par lequel un service exprime sa manière de concevoir l'épanouissement des bénéficiaires.

 

5.         Plus précisément, les demandeurs d'avis situent leur question relative à la communication des rapports dans le cadre du travail sous mandat qui est le leur.

            A l'égard de ce qu'il faut entendre par mandat, la Commission renvoie à son avis 54/03.

            Lorsque qu'un service travaille sous mandat, il existe nécessairement une collaboration entre l'instance mandante (conseiller de l'aide à la jeunesse, directeur de l'aide à la jeunesse ou tribunal de la jeunesse) et le service mandaté. Cette collaboration doit notamment respecter les principes édictés par l'article 6 du Code déontologie.

            A cet égard, il faut relever que, d'une part, la collaboration entre les services doit être éclairée en ce que les services sont tenus de se connaître et de s'informer mutuellement sur leur méthodologie d'intervention (art. 6, al. 2). D'autre part, la collaboration doit être loyale en ce que les services doivent respecter mutuellement leur méthodologie d'intervention qui doivent toutes être centrées sur le jeune et la famille (art. 6, al. 3).

Par conséquent, l'article 6, al. 3 du Code de déontologie impose aux services de s'accorder lorsqu'ils sont appelés à travailler ensemble, en ce compris sur les informations communiquées et la manière de les communiquer. Les bénéficiaires de l'aide doivent être avisés des accords et des dispositions prises entre les services à ce propos.

A ce propos, la Commission, dans son avis 54/03 a souligné que le service mandaté dispose d’une certaine liberté sur le plan méthodologique pour l’exécution de la mission qui lui est confiée tout en précisant que la méthode et sa mise en œuvre doivent cependant respecter les exigences méthodologiques … qui seraient contenues, explicitement ou tacitement, dans le contrat passé avec l’autorité qui lui demande d’exécuter la mission.

Pour le service mandaté, informer les bénéficiaires de l'aide de ce qui fera l'objet de son rapport à l'instance mandante est une obligation déontologique. Par contre, la forme que va prendre cette information (simple partage oral, lecture du rapport sans remise de copie, remise d'un résumé ou d'un projet non définitif en vue d'une réaction ou remise d'une copie de la version finale et signée du projet) relève des exigences méthodologiques qui seraient contenues, explicitement ou tacitement, dans le contrat passé avec l’autorité qui lui demande d’exécuter la mission (avis 54/03).

Compte tenu du respect dû à la déontologie des travailleurs du secteur de l'aide à la jeunesse, l'instance mandante ne peut toutefois refuser le principe de la communication du rapport complet et signé que s'il est démontré que cette communication est de nature à ne pas favoriser l'épanouissement du bénéficiaire. Le refus de communication par l'autorité mandante ne peut consister en une position de principe non susceptible d'exceptions. A défaut, les travailleurs du secteur de l'aide à la jeunesse seraient structurellement mis dans une situation où ils ne pourraient pas respecter leur déontologie.

Pour la même raison, il en va de même pour les autorités hiérarchiques des services concernés ou pour les autorités en charge de l'agrément des projets pédagogiques. Ils ne pourraient subordonner l'agrément ou la subsidiation au respect d'un principe ayant pour objet le refus de communication des rapports que dans les cas où il est explicitement démontré que la communication nuirait à l'épanouissement des bénéficiaires.

 

6.         Dans le cadre d'une application loyale des règles de déontologie et de collaboration qui doivent présider aux rapports entre les instances mandantes et les services mandatés, il convient que lorsqu'un de ceux-ci a un doute quant à l'accord de l'autre sur le principe de la communication des rapports aux bénéficiaires de l'aide, il interroge expressément ce dernier pour connaître sa position.

En effet, sous peine de porter préjudice au bénéficiaire de l'aide, il ne peut y avoir de désaccord entre l'autorité mandante et le service mandaté à propos de la communication des rapports.

Par conséquent, afin d'éviter tout problème, la Commission est d'avis qu'en l'état des pratiques, la communication aux bénéficiaires de l'aide du rapport complet par un service mandaté est soumise aux conditions suivantes :

1°         Le principe de la communication directe des rapports complets aux bénéficiaires de l'aide, et le cas échéant à leurs représentants légaux, doit figurer expressément dans le projet pédagogique du service;

2°         Le service doit alors systématiquement communiquer le rapport dans tous les cas, sauf si, conformément à l'article 7, al. 3, la communication porte préjudice au bénéficiaire;

3°         Cette méthodologie d'intervention doit être expliquée aux familles, dans chaque cas d'espèce, au plus tard lors de la réunion d'installation du mandat chez l'instance mandante.

4°         Le service doit faire figurer une mention sur la copie de chaque page du rapport en indiquant que celui-ci est confidentiel et qu'il ne peut pas être utilisé devant une autre instance que celle-ci à qui il est destiné. Il s'agit donc d'indiquer non seulement que le document ne peut pas être utilisé dans une autre procédure que celle dans le cadre de laquelle il a été réalisé mais également qu'il ne peut pas, en matière d'aide à la jeunesse, être utilisé dans le champ de l'intervention contraignante s'il a été réalisé dans le champ de l'aide volontaire (v. art. 57 du décret).

5°         La communication du rapport aux demandeurs d'aide ne peut pas devenir le prétexte pour réaliser des rapports parallèles, soit oraux soit écrit, à l'autorité mandante. Dès lors que le service opère le choix pédagogique de communiquer le rapport, il lui appartient de ne pas rédiger des rapports édulcorés ou incomplets. A cet égard, la Commission attire l'attention sur le fait que, pour un service, faire lors d'une réunion ou une audience un rapport oral qui s'écarte sensiblement du rapport écrit préalablement communiqué aux demandeurs de l'aide constituerait un manquement déontologique en raison de la déloyauté qui affecte pareil comportement.

6°         Il appartient au service de communiquer le rapport à l'autorité mandante suffisamment à l'avance avant les réunions et les audiences. Cette exigence déontologique générale est encore plus nécessaire lorsque les bénéficiaires de l'aide reçoivent le rapport du service. En effet, il ne serait pas logique que l'autorité mandante ne dispose qu'en dernière minute d'une information que les autres acteurs connaissent depuis longtemps.

7°         Il appartient aux services de rédiger les rapports d'une manière très compréhensible pour les intéressés. Cette responsabilité dans l'écriture est fondamentale puisque les bénéficiaires de l'aide sont susceptibles de lire le rapport sans une aide quelconque. Il appartient notamment au service de clairement distinguer :

-           l'analyse du mandat et de la décision administrative ou judiciaire qui en est le fondement,

-           les propos recueillis en indiquant chaque fois qui en est l'auteur,

-           les constats objectifs,

-           les avis ou interpellations d'autres professionnels,

-           l'analyse opérée par le service,

-           les propositions formulées par le service et leur motivation.

 

La Commission attire l'attention des services sur le fait que s'ils modifient leur projet pédagogique quant à la communication des rapports, cette modification doit être explicitement signalée à la commission d'agrément et aux instances mandantes avec lesquelles ils collaborent régulièrement. La modification ne peut intervenir pour des dossiers en cours sauf accord exprès des autorités mandantes.

 

Le présent avis a été rendu lors de la séance du 17 novembre 2010 de la présente Commission.

 

Il a été communiqué aux parties concernées.

 

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