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Aide à la jeunesse

Avis 67/05

Demande d’avis émanant d’un Service d’Accueil et d’Aide Educative (SAAE)

Par courrier daté du 04 novembre 2005, la commission de déontologie est saisie de la demande du directeur d’un SAAE interpellé par les effets sur les usagers de l’application des articles 29§2 et 41§2 du décret de la Communauté française du 13 juillet 1998 portant organisation de l’enseignement maternel et primaire ordinaire et modifiant la réglementation de l’enseignement (M.B. du 28 août 1998 entré en vigueur le 1er octobre 1998) (note 1). 

Le courrier est formulé comme suit :

« … En effet, ces articles ne semblent pas être en accord avec les décrets qui règlent le secteur de l’aide à la jeunesse à savoir le décret du 04 mars 1991 et le code de déontologie.

Plus précisément, notre projet pédagogique s’inscrit dans les textes de loi repris ci-dessus et veille à préserver le respect de la vie privée des usagers de nos services.

Ma question est donc de savoir si les articles du décret faisant l’objet de ce courrier ne sont pas en opposition aux principes de respect de la vie privée auxquels nous sommes soumis ?

Au-delà de cette question fondamentale, je pense aussi que les effets visés par ces articles ne se justifient pas, car les enfants pris en charge par un service d’aide à la jeunesse ne nécessitent certainement pas plus d’encadrement qu’un autre enfant.

Je pense qu’une telle façon de voir les choses ne fait qu’étiqueter un enfant et sa famille ».

En annexe de ce courrier est joint un exemplaire de l’annexe 6.2.A. intitulée « Attestation de placement délivrée en vertu des articles 29§2 et 41§2 du décret du 13 juillet 1998 portant organisation de l’enseignement maternel et primaire ordinaire et modifiant la réglementation de l’enseignement ».

Par cette attestation, le directeur du service agréé, ou le cas échéant la famille d’accueil, est amené à certifier que l’élève (nom, prénom et date de naissance) a été placé(e), selon le cas, par le conseiller de l’aide à la jeunesse, le directeur de l’aide à la jeunesse ou le juge de la jeunesse, et à indiquer la date du début du placement.

Cette attestation doit être remise au directeur de l’école de l’enfant placé accompagnée de l’annexe 6.2.B. dûment complétée.

La commission s’est enquise de cette seconde annexe. Il s’agit d’une attestation, à signer par l’autorité mandante, qui vise à porter à la connaissance du directeur de l’établissement scolaire que tel jeune est placé dans tel service. Il y est précisé que cette attestation vaut pour les actes administratifs nécessaires à la régularisation de la situation de l’intéressé(e).

*   *   *

Déjà en son avis n°46/2002 (note 2), la commission a répondu à une question similaire émanant d’une directrice de l’aide à la jeunesse se demandant si elle pouvait « d’initiative ou à la demande, indiquer à l’école qu’un enfant fait l’objet d’un placement mis en œuvre par son service ».

En substance, la commission avait à l’époque conclu, d’une part, que l’information relative au placement ne relevait pas d’une obligation, et, d’autre part, que moyennant le respect scrupuleux des articles 7 et 12 du code de déontologie, elle ne constituait pas, dans le cas d’espèce, une violation du secret professionnel  pour autant que cette information contribue à procurer un avantage au bénéficiaire de l'aide et ne lui occasionne pas un préjudice disproportionné.

A cet égard, la commission rappelle que l’encadrement renforcé dont il est question dans le décret du 13 juillet 1998 doit être profitable à l'enfant bénéficiaire de l'aide. Il appartient aux intervenants de vérifier que la remise d'une attestation confirmant le placement procure concrètement un avantage plus grand, ou à tout le moins équivalent, aux désavantages qu'elle peut engendrer (stigmatisation, étiquetage, etc.).

*   *   *

Considérant que l’attestation relative au placement devait servir l’intérêt du mineur, la commission s’est interrogée sur la manière dont administrativement le service agréé pouvait informer l’école sans trahir le secret professionnel.

A ce propos, la commission tient à rappeler les quatre principes que tout intervenant doit respecter lorsqu’il communique des renseignements de nature personnelle à une personne qui n’est pas tenue au secret professionnel :

1. préalablement apprécier, avec une extrême rigueur, l'intérêt, pour le bénéficiaire de l'aide, de la collaboration avec la personne qui n'est pas tenue au secret professionnel;

2. préalablement demander l'accord du bénéficiaire de l'aide et, le cas échéant, de ses représentants légaux, tant sur ce qui fait l'objet du transfert d'informations que sur la personne à qui l'information doit être communiquée;

3. limiter les informations communiquées à ce qui est strictement utile au regard de l'intérêt que le bénéficiaire de l'aide peut obtenir de la collaboration;

4. rappeler à la personne qui n'est pas tenue au secret professionnel le devoir de réserve qui est le sien en raison du caractère strictement confidentiel des informations et du caractère préjudiciable d'une divulgation pour le bénéficiaire de l'aide.

Dans le cas présent, ces principes s’appliquent au directeur du SAAE, et ce, qu’il informe d’initiative l’établissement scolaire du placement de l’élève (par exemple, si celui-ci intervient en cours d’année scolaire) ou qu’il réponde à la demande du directeur de l’école (il s’agit dans ce cas de confirmer une réalité déjà connue).

La commission estime que, sur base des principes énoncés ci-dessus, les articles 29§2 et 41§2 mentionnés ne s’opposent pas en tant que tels aux principes de respect de la vie privée des personnes concernées.

Par contre, la commission relève que les annexes 6.2.A. et 6.2.B. envoyées par l’école vont au-delà du prescrit réglementaire ; la première en ce qu’elle demande au directeur du SAAE de communiquer des informations sur l’autorité de placement (ce qui donne des indications sur le contexte dans lequel la mesure a été prise), la seconde ne figurant pas dans le décret du 13 juillet 1998. Au regard de la finalité des articles 29§2 et 41§2, ces mentions apparaissent comme facultatives et ne s’avèrent pas strictement utiles à l’intérêt que le jeune pourrait en retirer ; l’encadrement renforcé dont il est question n’étant pas spécifié selon que l’élève soit placé par le conseiller de l’aide à la jeunesse, le directeur de l’aide à la jeunesse ou le juge de la jeunesse.

Ces attestations placent ainsi les intervenants de l’aide à la jeunesse, qu’il s’agisse du directeur du SAAE ou de l’autorité mandante, en situation délicate par rapport au respect de certaines règles déontologiques, d’autant qu’ils sont tenus de préserver tout espace de négociation nécessaire entre services au bénéfice du jeune.

Afin de dispenser les acteurs de l’aide à la jeunesse de ces ambiguïtés, la commission préconise auprès des autorités administratives compétentes la suppression de l’annexe 6.2.B. au sein du secteur de l’enseignement et un amendement de l’annexe 6.2.A. limitant les informations demandées à la seule date du placement.

Dans l’intervalle, la commission invite les intervenants à apprécier si la communication de l’information demandée par l’école serait davantage bénéfique ou préjudiciable au mineur que leur refus éventuel de remplir l’une ou l’autre de ces annexes. En tout état de cause, l’information ou le refus de communication ne peut contribuer à stigmatiser  le jeune.

*   *   *

La commission estime par ailleurs ne pas avoir à se prononcer sur les considérations exprimées par le directeur du SAAE quant aux effets visés par les articles 29 et 41 du décret du 13 juillet 1998. Il s’agit d’un choix politique postulant qu’un enfant placé nécessite un encadrement renforcé et non pas d’une question déontologique.


Annexe 6.2.A

Attestation de placement délivrée en vertu des articles 29§2 et 41§2 du décret du 13 juillet 1998 portant organisation de l’enseignement maternel et primaire ordinaire et modifiant la réglementation de l’enseignement.

Les enfants qui font l’objet de mesures de placement fondées sur la loi relative à la protection de la jeunesse du 8 avril 1965 ou sur le décret du 4 mars 1991 relatif à l’aide à la jeunesse génèrent, vu leur situation, un coefficient préférentiel (1.5) pour l’encadrement en maternel et en primaire.

Je soussigné (e) ...

O directeur du ...

O famille d’accueil ...

Atteste que (nom et prénom de l’élève) ...

A été placé (e) par 

O le conseiller de l’aide à la jeunesse

O le directeur de l’aide à la jeunesse

O le juge de la jeunesse

à partir du ...

Fait le ...

Signature ...

Cette attestation devra être remise au directeur de l’école de l’enfant placé accompagnée de l’annexe 6.2.B. dûment complétée.


Modèle / ANNEXE 6.2.B.

NOM DU SERVICE ...

ADRESSE DU SERVICE ...

Tél : ...

Nos Réf./ ...

Madame, Monsieur,

J’ai l’honneur de porter à votre connaissance, qu’en application du décret de la Communauté française du 4 mars 1991 relatif à l’aide à la jeunesse ou de la loi relative à la protection de la jeunesse du 8 avril 1965, j’ai décidé de placer le (la) jeune :

...

à (au) ...

La présente attestation vaut pour les actes administratifs nécessaires à la régularisation de la situation de l’intéressé (e).

Je vous prie d’agréer, Madame, Monsieur, l’assurance de ma considération distinguée.

Fait à ..., le ...

Signature ...


Notes

1. Art.29§2. Dans les écoles visées à l'article 11, 3°, de l'arrêté royal du 2 août 1984 portant rationalisation et programmation de l'enseignement maternel et primaire ordinaire, le nombre d'élèves est multiplié par 1,5 pour déterminer l'encadrement.

Le nombre des enfants provenant :

  • 1. d'un home ou d'une famille d'accueil, pour autant qu'ils y aient été placés par le juge ou le conseiller d'aide à la jeunesse;
  • 2. d'un internat pour enfants dont les parents n'ont pas de résidence fixe;
  • 3. d'un centre d'accueil organisé ou reconnu par l'Office de la naissance et de l'enfance,

est multiplié par 1,5 quelle que soit l'école fréquentée.

Une attestation émanant de la direction du centre d'accueil, de l'internat pour enfants dont les parents n'ont pas de résidence fixe, du home ou de la famille d'accueil doit être présentée au vérificateur pour justification. Ce document sera renouvelé chaque année.

2. Cet avis est consultable in extenso dans le rapport d'activités clôturé au 31 décembre 2004 de la commission de déontologie.

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