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Avis 64/05

Demande d’avis d’un Service d’Accueil et d’Aide Educative (SAAE)

Par un courrier daté du 15 juin 2005, un SAAE demande un avis à la commission de déontologie quant à l’attitude à adopter dans le cadre d’adolescents en fugue.

« Nous sommes agréés comme un SAAE et nous accueillons entre autres des jeunes filles âgées entre 12 et 18 ans. Parmi ces adolescentes, certaines fuguent et parmi celles-ci, certaine avant leur accueil dans notre service vivaient dans la rue ou étaient accueillies par l’un(e) ou l’autre copain ou copine.

Actuellement, nous nous interrogeons sur la conduite à tenir dans ces cas de fugue par rapport à nos contacts ou notre collaboration avec la police. Deux questions se posent :

- Que dire et/ou que taire comme information sur la situation de l’adolescente et ses contacts avec son environnement (copains, amies, …) ?

- Doit-on autoriser ou pas les policiers à visiter la chambre de la jeune fille et à rechercher dans ses effets un carnet d’adresse ou d’autres indices et ce, sans demande formelle d’un membre du Parquet ?

A certains moments, nous pensons qu’il est souhaitable pour ces jeunes fugueuses de garantir un minimum de confidentialité et donc de ne pas informer la police des personnes ou réseaux qu’elles fréquentent et dans ce cas, la police nous reproche notre manque de collaboration. A d’autres moments, le souhait est de plus collaborer avec la police, surtout, s’il y a une inquiétude sur la situation de la jeune et dans ce cas, quelle confidentialité respecter? Enfin, il arrive également que la discussion dans l’équipe porte sur notre responsabilité.

Pourriez-vous nous aider à définir une ou des attitudes, en fonction de la situation individuelle des jeunes et le code de déontologie. »

***

Pour répondre à cet avis, la commission se réfère et renvoie aux articles 7 et 11 du code de déontologie.

1 – La commission en examinant cette demande rappelle ses avis 3 et 4 concernant une AMO, invitée par une commission de prévention communale à dénoncer les situations de jeunes fugueurs réfugiés dans ses locaux, qui se demandait dans quelles mesures elle devait ou non collaborer avec la police communale. 

La commission confirme la position qu’elle avait adopté lors ces avis à savoir que le secret professionnel est de mise. Outre le fait qu’elle estimait déontologiquement justifié que l’AMO ne collabore pas avec la police et qu’elle rappelait qu’une fugue ne constitue pas une infraction, elle soulignait également dans le prolongement de l’article 6 du code que

« (…)   les membres des services de police ne sont pas des intervenants de l'aide à la jeunesse au sens du code de déontologie.

(…) La commission est d'avis que rompre le secret professionnel nuit gravement à la confiance que tous les jeunes doivent pouvoir avoir dans un service du type de l'A.M.O.

(…) La spécificité des services d'aide à la jeunesse est notamment de rechercher des solutions à ce type de situations en évitant leur judiciarisation et en privilégiant les ressources psycho-sociales … ».

2 – Dans le cas présent, on ne se situe pas non plus dans le cadre du secret partagé car les finalités sociales entre les deux secteurs sont différentes, . 

3 – Subsiste cependant la question de la rupture du secret professionnel (note 1). La commission rappelle à nouveau les avis 3 et 4 et affirme à nouveau : 

« Dans la mesure où le service d'aide à la jeunesse est confronté à une situation susceptible de compromettre gravement la santé, la sécurité ou les conditions de vie du jeune et qu'il estime ne pas pouvoir valablement assumer la prise en charge, il a, conformément à l'article 11 du code de déontologie, le devoir, après en avoir informé le jeune, d'en référer à d'autres intervenants dont l'action serait plus appropriée ou, s'il échet, aux autorités compétentes. (…) » 

4 – Il faut donc envisager dans le cas présent s’il y a état de nécessité. Si les intervenants estiment que l’on ne se situe pas dans cette perspective, il n’y a pas lieu de collaborer.

Pour rappel, en vertu de la loi et de la jurisprudence pour qu'il existe état de nécessité il faut que trois conditions soient réunies (pour une illustration, voy. l'article 458 bis du code pénal) :

  • une valeur au moins aussi importante que celles que le secret professionnel a pour fonction de garantir doit être menacée (note 2);
  • la menace doit consister en un danger grave, imminent et certain;
  • il ne doit pas y avoir d'autres moyens de mettre fin au danger que de révéler ce qui est couvert par le secret professionnel.

Dans l’hypothèse où la situation laisse présager un état de danger, les intervenants doivent fournir les informations nécessaires pour éviter que l’état de danger ne se maintienne. 

Toutefois, le seul fait de la fugue ne constitue pas à elle seule un état de danger. Dès lors, il doit y avoir une appréciation  des circonstances de celle-ci.

5 – On notera que la réponse à cette question s’apprécie également au regard de la nature de l’intervention.  Lorsqu’il s’agit d’un placement, tant les autorités compétentes qui ont mandaté le service que la famille doivent à tout le moins être prévenues. La fugue ne peut en effet s’apprécier de la même manière s’il s’agit par exemple d’un placement volontaire d’un jeune de plus de 14 ans ou d’un placement sous contrainte. C’est donc à l’autorité de placement que reviendra la tâche de gérer les relations avec les autorités judiciaires et donc indirectement avec la police.

6 – Enfin, la visite domiciliaire par les services de police (la fouille de la chambre) implique l’autorisation explicite de la personne visitée. Pour pénétrer sans l’autorisation du jeune dans sa chambre, il y a lieu pour la police de se prévaloir d’un mandat de perquisition délivré par les autorités judiciaires. L’autorisation des membres de l’institution ne peut se substituer à l’autorisation du jeune  ou au mandat de perquisition.

Notes

1. Comme déjà rappelé dans différents avis (p. ex 61/05), le secret professionnel est l'obligation légale de taire les confidences que l'intervenant reçoit en raison de sa profession et que lorsqu'il intervient sous mandat, l'intervenant du secteur psycho-médico-social reste tenu au secret professionnel. Pour faire bref, rappelons également que les deux exceptions au secret professionnel : l'état de nécessité et le témoignage en justice.

2. Les valeurs garanties par le secret professionnel sont l'ordre public (il est de l'intérêt de tous qu'il existe des lieux où on peut se confier), l'intérêt de la profession (des professions ont besoin de pouvoir garantir le secret pour être exercée adéquatement) et la vie privée qui est un droit fondamental auquel il ne peut être dérogé que dans les conditions fixées par l'article 8, § 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

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