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Aide à la jeunesse

Avis 59/05

Demande d’avis émanant de la Directrice générale de l’Administration de l’aide à la jeunesse de la Communauté française

Madame la Directrice générale de l’aide à la jeunesse, par courrier daté du 18 mars 2005, demande l’avis de la commission de déontologie concernant une pratique relevée au sein d’un organisme d’adoption agréé de la Communauté française et qui serait contraire à l’article 13 du code de déontologie.

De cette demande initiale, on retient qu’il semble que l’organisme d’adoption a permis que son équipe pluridisciplinaire procède à l’évaluation psycho-médico-sociale de la candidature à l’adoption d’un de ses intervenants. L’Autorité Communautaire pour l’Adoption Internationale (ACAI) a pris connaissance de cette pratique lorsque l’organisme d’adoption agréé l’a sollicitée pour la délivrance d’une attestation relative au dossier d’adoption de cet intervenant, destinée aux autorités chinoises. L’ACAI délivre une telle attestation aux organismes d’adoption internationale. Elle figure dans le dossier de l’adoptant et garantit aux autorités étrangères compétentes que la candidature de la personne concernée a été évaluée favorablement par l’équipe pluridisciplinaire de l’organisme d’adoption agrée.

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Par courrier, le 4 février 2005 la commission de déontologie a invité le responsable de l’organisme d’adoption agréé et l’intervenant en question, candidat à l’adoption, à venir s’exprimer au sujet de cette demande d’avis le 23 février 2005. Les parties se sont présentées le 23 février 2005, le responsable s’étant fait remplacer par un autre intervenant du service. Elles ont été invitées à s’exprimer sur le sujet après s’être fait expliquer le cadre de leur audition et celui du travail de la commission de déontologie. 

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Il ressort de cette audition divers éléments permettant de contextualiser les faits ayant entraînés la demande d’avis.

L’organisme agréé s’occupe d’adoption internationale conformément à l’article 50 du Décret de l’aide à la jeunesse de 1991 et ce, dans diverses parties du monde. On apprend ainsi que ce n’est pas le seul organisme qui permet l’adoption d’enfants venant de Chine, pays qui exige, à l’instar d’autres pays, une attestation de l’A.C.A.I.

Selon l’organisme d’adoption, la pratique dénoncée et examinée ne constitue pas une première ni dans le secteur, ni dans l’équipe. Elle reconnaît que dans le cas présent, la situation est particulière de part la fonction de psychologue exercée par l’intervenant candidat à l’adoption. 

Ce dernier rapporte qu’il est candidat effectif à l’adoption depuis janvier 2004 et ce, après avoir longuement mûri son projet de par notamment sa pratique professionnelle. Cette candidature, après vérification de sa recevabilité, a entraîné une réunion d’équipe en sa présence afin de discuter notamment de la position de l’équipe et de la méthodologie a adopté compte tenu de la situation professionnelle de la requérante au sein de l’organisme et de la volonté de se conformer à la procédure prévue dans l’arrêté d’agrément des organismes d’adoption et plus particulièrement l’étude psycho médico-sociale. 

La première possibilité consistait à confier cette étude, et plus particulièrement l’examen psychologique à un autre organisme d’adoption agréé. 

Cette hypothèse a été rapidement rejetée par les protagonistes pour deux raisons au moins : 

-d’une part, le malaise qui pourrait résulter chez les autres équipes de connaître la vie intime et le profil psychologique d’un collègue d’un autre service 

-et, d’autre part, le contexte de « concurrence » qui agitent ces organismes actuellement non subsidiés (les rémunérations de ces organismes proviennent essentiellement des frais de dossier versés par les candidats adoptants au terme d’une évaluation positive). En mettant de côté cette possibilité, l’organisme savait qu’il mettait également de côté le recours à un autre psychologue spécialisé dans la matière de l’adoption oeuvrant au sein d’un centre spécialisé.

La seconde possibilité consistait à confier l’examen psychologique à des psychologues extérieurs à l’organisme. C’est celle-ci qui a été retenue. Pour choisir ces psychologues, il a été fait appel à l’équipe d’un Service de Santé mentale  –  équipe bien connue du service d’adoption pour avoir pris en charge la supervision de leur équipe, rencontrant ainsi la confiance de tous. Deux noms de psychologues extérieurs et inconnus du candidat à l’adoption ont ainsi été proposés par le Centre. 

Ces derniers, après avoir accepté, ont été chargés, après avoir examiné chacun et individuellement l’intervenant candidat à l’adoption, de déposer un rapport officiel destiné à être joint au dossier. L’intervenant en question dit ne pas avoir eu accès au contenu de ceux-ci à la différence des membres de l’organisme d’adoption en cause. Les frais de ces deux examens psychologiques incombaient au candidat. Les aspects sociaux et médicaux de l’étude ont été pris en charge par l’organisme d’adoption. 

On apprend ainsi que :

- L’examen psychologique consiste en un examen de personnalité qui envisage également divers aspects dont notamment le désir d’enfant, les raisons de ce désir d’enfant, le parcours de la vie affective et de la vie familiale. 

-  L’examen médical vise à attester que les candidats ne sont pas atteints de maladie ou d’handicaps tels qu’ils risqueraient de compromettre la santé ou l’éducation de l’enfant. Dans le cas présent, il a été réalisé par le médecin conseil de l’association.

-  L’aspect social permet d’envisager les informations relatives aux revenus, au milieu socio-économique et culturel, au logement, aux conceptions des candidats en matière d’éducation. Dans le cas présent, il a été réalisé par l’assistant social de l’organisme.

Au terme de ces démarches, l’équipe s’est réunie pour examiner l’étude médico-socio-psychologique et ce, en l’absence de l’intervenant candidat et des psychologues extérieurs chargés de l’évaluation psychologique.

Interrogées sur la question des garanties pouvant être fournies aux autres candidats au niveau d’un traitement respectueux de l’ordre d’inscription, les membres de l’organisme affirment d’une part qu’une fiche, complétée à l’inscription par chaque candidat, indique les dates des diverses étapes et que d’autre part, il est peut-être inexact de concevoir un ordre d’adoption fixe et strictement respectueux d’une chronologie puisque les demandes peuvent concernés différents pays ou être particulières quant à l’enfant à adopter (certains candidats émettent par exemple la demande d’adopter un enfant présentant certaines particularités physiques ou psychologiques sans pour autant constituer un handicap grave, ce qui est d’ailleurs le cas pour l’intervenant candidat).

Si des améliorations devaient être apportées à cette manière de procéder, les membres de l’organisme reconnaissent d’emblée la nécessité d’avoir dû faire procéder à un examen social également extérieur (l’organisme étant notamment à la fois juge et partie) même s’ils estiment avoir procéder de bonne foi en tentant l’équilibre par l’intervention de psychologues extérieurs réputés neutres

On notera enfin que selon le responsable de l’organisme concerné, l’intervenant candidat à l’adoption aurait pu, au regard de la législation actuelle, adopter un enfant sans cette évaluation et qu’actuellement, compte tenu de la présente demande d’avis, la procédure est suspendue.

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Après avoir délibéré, la commission est d’avis que :

1 – Comme elle l’a déjà évoqué dans son avis n°10/99, le droit à la vie familiale est garanti à toute personne. Tout individu peut donc être en principe être parent d’accueil.

2 – Néanmoins, être parent d’accueil constitue une mesure d’aide pour le mineur. Conformément à l’article 2 du code de déontologie, cette mesure doit : être épanouissante pour le mineur, être la solution qui a la meilleure chance de succès, être la solution qui soit la plus adaptée au jeune.

Dans le cas présent, à propos de l’adoption, sans se poser la question de savoir si l’adoption est ou non une mesure d’aide, la commission envisage davantage la situation à propos du bénéficiaire, en l’espèce, l’enfant qui ne sait s’exprimer: ce dernier a-t-il toutes les garanties de faire l’objet d’une mesure d’aide répondant aux prescrits de l’article 2 du code ? 

3 – Avant de répondre à cette question, la commission constate que la prise en charge de ce dossier particulier, l’institution a commis différents manquements.

- L’absence de collaboration entre organismes agréés, soulevant une fausse question de « déontologie entre services » résultant de la connaissance de la vie intime d’un membre d’un autre organisme agréé.

- Le choix de psychologues extérieurs non formés dans la matière de l’adoption et plus particulièrement dans l’évaluation des capacités et personnalité des candidats adoptants. En effet, l’étude médico-socio-psychologique pouvant se solder par une décision défavorable, celle-ci risque de souffrir d’un manque d’impartialité subjective en se basant en l’espèce sur des rapports fournis empêchant ainsi toute vérification du contenu exact de l’examen. 

- Même si l’examen social se base sur des données davantage objectives et vérifiables que le rapport psychologique, le fait que celui-ci a été réalisé par l’assistante sociale de l’organisme en cause reste critiquable. En effet, d’une part, certaines rubriques envisagent des sujets tout aussi délicats qu’un examen de personnalité (conceptions du candidat en matière d’éducation) et d’autre part, l’organisme agréé pourrait être perçu à la fois comme juge et partie (dans le cadre de l’exigence par exemple d’un contrat de travail à durée indéterminée).

- L’absence d’une discussion réellement multidisciplinaire et collégiale de l’étude médico-socio-psychologique de part l’absence des psychologues même si ces derniers ont déposé un rapport. Cet examen doit en effet se faire collégialement par l’équipe pluridisciplinaire réunie qui statue par décision motivée sur la candidature comme le prévoit l’Arrêté de la Communauté française du 11 juin 1999 et modifié le 2 mars 2000 relatif à l’agrément des organismes d’adoption en son article 7 §2.

La commission estime notamment que l’intérêt de la collégialité réside en effet dans la possibilité pour un professionnel d’apprendre aux autres certains éléments et ce, dans un processus d’émulation. Cette procédure constitue d’ailleurs une garantie pour l’enfant et son intérêt. 

4 – La commission rappelle que l’article 13 du code de déontologie énonce que :

« L’intervenant ne peut exercer à l’égard d’un même bénéficiaire de l’aide plusieurs fonctions, liée à l’octroi, au refus d’octroi, ou la mise en œuvre de l’aide. 

L’intervenant ne peut participer directement à la décision d’octroi ou de refus d’octroi d’une aide à un bénéficiaire s’il peut y trouver un intérêt direct ou indirect soit à titre personnel, soit au titre de mandataire ou de représentant. »

Cette disposition vise à garantir l’impartialité objective des intervenants comme cela se fait d’ailleurs dans d’autres domaines (impartialité des magistrats par exemple). Dans le cas présent, cette impartialité n’aurait pu être garantie que par le recours à l’équipe pluridisciplinaire d’un autre organisme agréé d’adoption. 

Cette manière de procéder aurait également permis de sauvegarder l’impartialité subjective de l’organisme par rapport aux autres candidats à l’adoption. 

La commission estime que dans le cas présent la position adoptée par l’organisme d’adoption est en contradiction avec ce prescrit. Toutefois, la situation particulière dans laquelle se trouve les organismes d’adoption n’aide pas à rencontrer cet article du code. Dans l’état actuel de la réglementation, la commission prône le recours à un organisme agréé 

5 - Toutefois, la commission est unanimement d’avis de considérer que si des manquements ont pu être constatés, c’est à l’équipe du centre d’adoption qu’ils incombent et non l’intervenant candidat à l’adoption même si ce dernier est membre du personnel. La commission reconnaît que l’organisme visé a toutefois pris une décision qu’il estimait être la moins mauvaise au regard de l’absence de prescrits légaux plus clairs. 

En outre, la commission estime – comme elle l’a déjà fait dans son avis n°10/99 et dans l’hypothèse d’un conflit entre deux valeurs défendues par le code – que si cette manière de procéder (et plus particulièrement la situation de l’intervenant candidat à l’adoption) permet de donner à un enfant la solution la plus satisfaisante, présentant les meilleures chances de succès et est la plus adaptée au mineur (et répond ainsi à l’article 2 du code de déontologie) cette disposition doit être privilégiée par rapport à l’article 13.

6 – La commission recommande qu’à l’avenir et à défaut de prescrits légaux ou réglementaires, si des situations similaires où un membre du personnel travaillant au sein d’un organisme agréé d’adoption la procédure d’évaluation des candidats adoptants soit confiée à un autre organisme agréé.

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