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Aide à la jeunesse

Avis 53/03

Demande d'avis introduite
par un Directeur pédagogique

Le Directeur pédagogique d'un Centre, a adressé le 27 mai 2003 un courrier à Madame la Directrice générale de l'Aide à la jeunesse contenant des questions à poser à la Commission.

Ce courrier a été transmis par Madame la Directrice générale de l'Aide à la jeunesse à la Commission. Il est rédigé comme suit:

"Suite au courrier publié dans le J.D.J. n°25 du mois de mai 2003 concernant le rôle du psychiatre au sein du centre, je souhaiterais poser certaines questions à la commission de déontologie.

Le Président de l'ordre des médecins du Brabant s'adressant au Docteur P., ancien psychiatre du centre stipule "Vous nous avez posé la question de savoir si vous pouviez transmettre des données médico-psycho-sociale aux juges de ces jeunes dans le cadre de votre mission thérapeutique. En tant que médecin exerçant une mission thérapeutique —et non pas d'expertise- vous êtes tenu au respect des règles légales et de déontologie en matière de secret professionnel à l'égard des tiers. Le fait de travailler dans un centre pour mineurs n'entame en aucune façon cette obligation. Le juge de la jeunesse peut obtenir par le biais d'expertises, les informations médico-psychologiques qu'il souhaiterait obtenir. Il ne peut y avoir de passerelle entre la fonction thérapeutique et celle d'expert, à moins de mettre à néant le secret médical et la protection du patient qui est son corollaire".

Or tel n'est pas la fonction que nous attribuons au médecin psychiatre et donc tel n'est pas du tout notre point de vue.

Tout d'abord, à la lecture de l'article 8 de l'accord de coopération, il apparaîit clairement que l'équipe de la communauté française est "mandatée" par le tribunal de la jeunesse. nous sommes dès lors liés par la mission que celui-ci nous confie.

Selon cet article nos rapports doivent aider le juge dans sa prise de décision. Ce qui sous-entend inévitablement la transmission des informations recueillies par les différents acteurs psycho-sociaux travaillant au sein de l'institution mandatée par le Tribunal de la jeunesse. Ainsi, le travailleur social dans le cadre de sa mission n'est pas, à mon sens, tenu au secret professionnel par rapport au tribunal. Cet article n'est donc pas d'application en ce qui concerne les rapports que nous envoyons aux juges. De plus toute l'équipe du centre est excessivement claire puisque dès l'arrivée du jeune, nous lui signalons notre mandat et lui spécifions que nous sommes susceptibles de transmettre toutes les informations au juge. Il est important de préciser que nous pesons les différents éléments et ne transmettons que ceux nécessaires à notre mission et ne révélons jamais les informations sans lien direct avec son objet.

Il me semble également important de signaler que le médecin psychiatre fait partie intégrante de l'équipe de la communauté française. Ainsi, à mon sens, il rentre au même titre que l'équipe psycho-sociale dans le cadre du secret partagé. Une fois de plus, le jeune donne son accord dans la mesure où le psychiatre lui explique sa mission et son mandat. C'est donc en toute connaissance de cause que le jeune accepte l'entretien.

Si le jeune refuse l'entretien psychiatrique dans le cadre du mandat, il est toujours possible de faire appel à un psychiatre fédéral.

Enfin, il est évident qu'une attention particulière est réservée au secret médical. Les dossiers médicaux sont archivé dans un ordinateur protégé, où seul les médecins ont accès par un mot de passe connu d'eux seuls, de plus celui-ci se situe dans un local fermé à clef. De même, le médecin psychiatre ne prescrit pas de pharmacothérapie.

Il en découle à mon sens que la mission du psychiatre dans le centre est de donner un avis sue la structure psychique du jeune et d'intégrer cet avis dans les pistes d'orientation proposées au juge.

Dès lors, les questions suivantes viennent à se poser:

  • la mission du médecin psychiatre peut-elle être considérée comme thérapeutique au sein du centre et, cette notion s'oppose-t-elle au rôle d'avis donné par la psychologue dans nos rapport?
  • la notion de secret partagé peut-elle exister dans notre institution?
  • le rôle de conseil du psychiatre auprès de l'équipe psycho-éducative s'oppose-t-elle au sein du centre aux règles légales et de déontologie en matière de secret professionnel à l'égard des tiers?
  • Comment situer le rôle du médecin psychiatre au sein d'une institution par rapport à celui joué par un psychiatre dans le cadre d'expertise?"

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* *

La Commission a demandé à la Direction générale de l'aide à la jeunesse de lui faire parvenir de plus amples renseignements quant à l'engagement du Docteur P.

Ainsi, la Commission a obtenu les documents suivants:

- L'accord de coopération du 30 avril 2002 entre l'Etat fédéral, la Communauté germanophone, la Communauté française et la Communauté flamande relatif au centre fermé pour le placement provisoire de mineurs ayant commis un fait qualifié infraction;

- Le règlement de base des soins de santé dans le Centre de placement provisoire pour mineurs établi par le Médecin directeur du Service de Santé pénitentiaire le 28 février 2002;

- Le contrat de travail d'employé à durée déterminée signé le 4 juillet 2002 entre le Docteur P. et la Communauté française;

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* *

De l'examen de ces documents, la Commission retient ce qui suit.

1. L'article 1er , 5° de l'accord de coopération définit l'équipe pédagogique:

    "Pour l'application du présent accord de coopération, on entend par:

    (...)

    5° équipe pédagogique: le personnel pluridisciplinaire, dépendant de la Communauté française ou de la Communauté flamande, responsable de l'accueil et de l'accompagnement pédagogique, social et psychologique des jeunes et faisant partie intégrante du centre, ou le personnel de la Communauté germanophone visé à l'article 11";

Dans cette disposition, il n'est pas fait état expressément d'un volet médical ou psychiatrique. L'équipe pédagogique n'est en charge que d'un accueil et d'un accompagnement pédagogique, social et psychologique.

2. L'article 8 de l'accord de coopération définit les missions de l'équipe pédagogique parmi lesquelles ne figure expressément pas la prise en charge médicale et/ou psychiatrique:

    "Chaque Communauté assume l'encadrement pédagogique des jeunes qui sont confiés au centre par le tribunal d'un régime linguistique correspondant, dans le respect du projet pédagogique qui est développé par le membre du Comité de direction désigné par elle et qui est soumis pour approbation au Ministre communautaire ayant l'Aide à la Jeunesse dans ses attributions, ou à une autre autorité compétente.

    L'encadrement pédagogique comporte au moins les fonctions suivantes:

    1° l'accueil des jeunes;

    2° l'encadrement pédagogique, social et psychologique;

    3° l'établissement de rapports d'orientation en vue:

    a) de décisions ultérieures à prendre par les parquets et les juridictions de la jeunesse;

    b) de l'orientation des jeunes vers l'assistance, l'aide et les soins proposés par les autorités compétentes après une décision judiciaire;

    4° l'organisation d'activités collectives et individuelles (sport et détente), y compris une offre de littérature;

    5° la mise à disposition d'informations relatives aux possibilités d'aide juridique".

Toutefois, l'utilisation de l'expression "au moins les fonctions suivantes" permet d'envisager d'autres fonctions, celles prévues par l'accord n'étant conçues que comme le minimum qui doit obligatoirement être assuré.

En outre, l'établissement des rapports pourraient justifier l'intervention d'un médecin et/ou d'un psychiatre.

3. L'article 7, § 2 attribue une compétence à l'Etat fédéral concernant la prise en charge des frais médicaux:

    "§ 1er. L'Etat fédéral prend en charge les frais de fonctionnement du centre et du séjour des jeunes, à l'exception des frais que le présent accord de coopération met explicitement à charge des Communautés.

    § 2. L'Etat fédéral prend aussi en charge les frais concernant les soins médicaux et paramédicaux ordinaires et exceptionnels dispensés aux jeunes".

Il s'en déduit que les médecins, quelle que soit leur spécialité, qui assurent la prise en charge préventive et curative des jeunes sont notamment engagés par l'Etat fédéral.

Le règlement de base des soins de santé le confirme cette compétence de l'Etat:

Article 1er:

    "§ 1er Dans le cadre du placement provisoire dans le Centre de mineurs ayant commis un fait qualifié infraction, le Ministre de la Justice veille à offrir aux mineurs des soins de santé équivalents à ceux prodigués en dehors de ce cadre aux mineurs.

    "§ 2 Ces soins de santé ne visent pas seulement les soins curatifs pour les mineurs, mais contribuent également à la prévention à la santé et à la protection de la santé des mineurs et du personnel.

    (...)

Article 2:

    "§ 1er En sa qualité d'organe supérieur et directeur, le Service de Santé pénitentiaire est chargé d'organiser, de diriger, de dispenser et de surveiller les soins de santé dans le cadre du placement provisoire de mineurs dans le Centre

    (...)

    § 2 Lors de son admission au Centre et si son état de santé le nécessite, à tout moment du placement provisoire, tout mineur a accès, dans un délai raisonnable, à un dispensateur de soins possédant les qualifications nécessaires.

    (...)

    Le Ministre de la Justice fait appel de préférence à des dispensateurs de soins signataires".

Ni l'accord de coopération, ni le règlement de base des soins de santé ne précisent si les Communautés peuvent engager des praticiens de l'art de guérir en vue d'assurer des missions de médecine curative ou préventive.

4. L'article 1er du contrat d'emploi signé entre le Docteur P. et la Communauté française dispose notamment que:

    "L'employeur engage, en raison d'une action limitée dans le temps dans le cadre de la participation de la Communauté française dans la prise en charge des mineurs délinquants placés au Centre, Monsieur P. en qualité d'employé de niveau 1 chargé à la Direction générale de l'Aide à la jeunesse — Services extérieurs, d'accomplir les tâches spécifiques de médecin psychiatre à temps partiel (...).

    Le médecin psychiatre a une autorité effective sur son personnel dans le domaine médical exclusivement.

    (...)

    Le médecin psychiatre jouit de la liberté diagnostique et thérapeutique.

    Les litiges d'ordre déontologique sont de la seule compétence du Conseil de l'Ordre des Médecins.

    Toute modification au présent contrat doit être soumise à l'avis préalable du Conseil de l'Ordre des Médecins".

Il ressort du contrat les éléments suivants:

a) Il n'est nullement précisé que le médecin psychiatre est engagé pour faire partie de l'équipe pédagogique et participer à ses missions.

b) Aucune mission particulière en lien avec l'équipe pédagogique n'a été définie ni attribuée au médecin psychiatre.

c) Au contraire, la mission confiée au médecin psychiatre est celle d'exercer "les tâches spécifiques de médecin psychiatre". L'alinéa 3 de la disposition laisse entendre qu'il s'agit d'assurer, dans le domaine de la psychiatrie, la fonction d'établir un diagnostic et d'instaurer et suivre le traitement.

d) Ainsi définie, la mission du médecin psychiatre est celle de soigner les mineurs placés dans le domaine de sa spécialisation et non d'apporter un soutien et un appui à l'équipe pluridisciplinaire dans l'exercice de ses missions.

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La Commission rappelle qu'il est incompatible pour un intervenant, en l'espèce un médecin psychiatre, d'exercer simultanément une fonction d'aide et de soins et une fonction d'expert dans l'aide à la prise de décision ou dans le cadre d'un contrôle.

En l'espèce, le médecin psychiatre, au regard de son contrat d'emploi et de l'accord de coopération, pouvait légitimement penser qu'il était engagé pour assurer une mission de soins à l'égard des mineurs placés dans le centre.

En effet, l'accord de coopération ne prévoit pas explicitement l'intégration d'un médecin psychiatre dans l'équipe pédagogique, même s'il ne la rend pas impossible. Le contrat d'emploi n'indique pas que le médecin psychiatre est intégré dans cette équipe. Au contraire, il se limite à préciser que le psychiatre exercera sa mission de psychiatre, ce qui, pour un médecin, signifie normalement soigner son patient.

En outre, le contrat de travail prévoit que toute modification apportée à celui-ci doit être approuvée par le Conseil de l'Ordre des Médecins. Dans son courrier adressé au Docteur P.— courrier cité dans la lettre du directeur pédagogique —, le Conseil de l'Ordre des Médecins considère que le Docteur P. exerçait une mission thérapeutique et non une mission d'expertise.

Dans le cas qui lui est soumis, la Commission est donc d'avis que le médecin a fait une juste appréciation de sa situation, à savoir qu'il était engagé pour exercer une mission thérapeutique. Dans ces conditions, il ne lui appartenait pas de communiquer à l'équipe pédagogique des informations recueillies lors d'entretiens à finalité thérapeutique.

La Commission s'interroge toutefois sur le point de savoir si la Communauté française pouvait engager un psychiatre avec une fonction thérapeutique.

En effet, les soins à apporter aux mineurs placés paraissent relever de la compétence de l'Etat fédéral.

Toutefois la Commission n'est pas compétente pour trancher cette question qui relève du droit public et non de la déontologie dans le secteur de l'aide à la jeunesse en Communauté française.

Enfin, la Commission est d'avis que la Communauté française pourrait intégrer un psychiatre dans l'équipe pédagogique qui participerait à la mise en œuvre des missions de celle-ci.

Il est cependant nécessaire que cette mission soit très clairement indiquée dans le contrat d'engagement du psychiatre pour lui permettre d'agir en connaissance de cause. En effet, dans ce cas, il doit en aviser les mineurs qu'il rencontre en leur précisant que les informations qu'il recueillera pourront être rapportée à l'équipe pédagogique et à l'autorité judiciaire qui a décidé du placement. Il doit également expliquer très clairement au mineur qu'il ne le rencontre pas pour le soigner ou le soutenir, mais pour faire un bilan relatif à sa personne.

Si le psychiatre est intégré à l'équipe pédagogique il a l'obligation de collaborer avec celle-ci. Cette collaboration peut prendre la forme d'avis ou du transfert des informations qui sont utiles pour permettre à cette équipe d'exercer au mieux ses missions.

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