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Avis 38/01

Demande d'avis introduite
par un professeur

Résumé de la demande

 

Un professeur de pratique professionnelle, sollicité par un de ses étudiants, interpelle la Commission quant au contenu d'un "projet individuel" qui est imposé à une adolescente par le foyer où elle est placée. Il s'interroge sur compatibilité des termes du "contrat" avec le code de déontologie et d'autres textes légaux.

Avis du 14 novembre 2001

 

La Commission est saisie d'une demande d'avis formulée comme suit par un professeur de pratique professionnelle:

"Je me vois sollicité par un étudiant de 1ère ESS, travaillant dans un foyer pour ados, agréé et subventionné par l'Aide à la Jeunesse, dans le Hainaut pour analyser et commenter le "projet individuel" qu'il lui est … imposé… d'imposer à une adolescente de bientôt 14 ans.

Il exprime son malaise à l'égard de la philosophie générale de ce "contrat" en termes pédagogiques, de dignité et de droit(s). Ses condisciples et moi avons choisi de travailler sur ce texte de façon "critique" comme un analyseur exemplatif (mais non exemplaire, trouvons-nous) de certains projets pédagogiques et du décalage entre certains projets pédagogiques institutionnels et la pratique concrète.

Nous souhaitons dépasser le débat d'opinions, de valeurs, … certes intéressant mais insuffisant. Les circonstances (2 mois _ de suspension en attendant la reprise de nos travaux) nous incitent à vous consulter en vous demandant de bien vouloir examiner le contrat ci-joint strictement à la lumière du décret de 1991, du Code de déontologie (et le cas échéant de tous autres textes, tel que par exemple la Déclaration des Droits de l'enfant, auquel vous estimeriez opportun de se référer)".

Le "projet individuel" qui fait l'objet de la question du demandeur est annexé au présent avis;

Avis.

1. La Commission constate que ce document est rédigé comme s'il était écrit par la mineure et commence par préciser la portée de son objet:

"Jusqu'à présent, j'ai fonctionné en attente que les éducateurs répondent à tous mes besoins.

Dorénavant, je souhaiterais m'inscrire dans un projet individuel qui se fera en plusieurs étapes où je pourrai acquérir un apprentissage qui à terme, me mènera à mon autonomie de jeune adulte.

Ces étapes passeront par une aide et une responsabilisation que les éducateurs s'engagent à m'apporter".

La Commission constate que le document constitue, ensuite, une sorte de contrat d'adhésion précisant une série d'obligations que la mineure s'engage à respecter dans différents domaines ainsi que les sanctions, mesures ou réactions qui seront appliquées en cas de non respect de ces engagements.

La Commission estime que lorsqu'une institution recourt à la technique du projet individuel, celui-ci doit être le fruit d'un travail éducatif avec le jeune. Ce projet fait partie d'un processus qui doit aider le jeune à préciser son projet personnel de vie, les objectifs qu'il se propose d'atteindre et les moyens qu'il veut utiliser pour ce faire. Un tel projet s'élabore avec l'aide des éducateurs et peut, éventuellement, déterminer les engagements respectifs de chacun ainsi que les critères d'évaluation du respect de ceux-ci.

Un projet individuel ne peut, aux yeux de la Commission, se limiter à un inventaire d'obligations dans le chef du jeune et de sanctions en cas de non respect de celles-ci. Dans ce dernier cas, la Commission est d'avis qu'on est en présence d'un règlement d'ordre intérieur de l'institution qui, à ce titre, doit être soumis à l'approbation de la Commission d'agrément (art. 44, al. 2, 2° du décret de la Communauté française du 4 mars 1991 relatif à l'aide à la jeunesse).

En l'espèce, la Commission met en doute que le texte ait été rédigé personnellement par la mineure, même s'il est rédigé à la première personne du singulier. Le texte semble plutôt avoir été écrit par les responsables de l'institution. Cela se déduit également de la formulation de la question posée à la Commission (le "projet individuel" qu'il lui est … imposé… d'imposer à une adolescente de bientôt 14 ans). En outre, sur le plan du contenu, la Commission constate que le projet individuel ne fixe aucun objectif précis à atteindre dans le cadre de l'étape 1 et qu'il n'aborde nullement les attentes envers les responsables et les éducateurs de l'institution ni les engagements de ceux-ci.

A l'analyse, la Commission considère que le document intitulé "projet individuel" constitue un règlement d'ordre intérieur qui ne dit pas son nom.

Si ce document n'a pas fait l'objet d'une approbation favorable de la Commission d'agrément, la Commission est d'avis qu'il est notamment en contradiction avec l'article 8, al. 1er du Code de déontologie qui précise que "Les intervenants s'assurent que le bénéficiaire (…) apprécie en pleine connaissance de cause de cause la nécessité, la nature et la finalité de l'aide ainsi que ses conséquences et puissent dès lors faire valoir leurs droits".

En effet, le mineur, qui par définition ne connaît pas ses droits, peut légitimement croire que, parce qu'ils sont agréés, les éducateurs et responsables de l'institution sont autorisés à lui imposer de telles obligations et sanctions, et donc les accepter sans réagir. Afin de respecter l'article 8 du Code de déontologie, il pèse sur les responsables du service l'obligation de soumettre tout règlement d'ordre intérieur qui touche à la mise en œuvre du projet pédagogique à la Commission d'agrément qui, par son contrôle, garantit, notamment, le respect des droits des jeunes (art. 44, al. 2, 1° du décret de la Communauté française du 4 mars 1991 relatif à l'aide à la jeunesse).

2. La Commission relève la discordance qui existe entre le début du texte repris ci-dessus et le catalogue d'obligations et de sanctions qui suit le titre "étape 1". Elle ne peut que marquer son étonnement en constatant que "l'aide et la responsabilisation" que les éducateurs s'engagent à apporter à la mineure ne se traduisent que par un recueil d'obligations à respecter et de sanctions. Aux yeux de la Commission, cela paraît insuffisant pour atteindre l'objectif fixé, c'est-à-dire accéder à "l'autonomie de jeune adulte". Même si cet inventaire d'obligations et de sanctions est présenté comme une première étape (les étapes suivantes ne sont pas précisées), la Commission s'étonne devant la conception éducative qui sous-tend une telle approche (d'abord respecter tout cela, puis on passera à autre chose qui n'est pas encore précisé).

La Commission rappelle que l'article 4 du Code déontologie dispose notamment que:

"Les intervenants ont un devoir de formation et d'information permanentes.

Ils ont l'obligation de remettre en question régulièrement leurs pratiques professionnelles et veillent à les adapter à l'évolution des connaissances et des conceptions".

A cet égard, la Commission estime qu'il serait opportun que le service accepte de participer à un processus de supervision et d'évaluation de ses pratiques et conceptions éducatives pour vérifier l'adéquation de celles-ci.

3. La Commission s'interroge également sur la pertinence de sanctionner certains comportements.

Si on peut comprendre que, par souci éducatif, les responsables d'une institution veulent faire découvrir les bons côtés de l'ordre, de la propreté, de la ponctualité, de la politesse, du respect d'autrui et des biens, etc., il n'est cependant pas acquis que tout comportement qui ne correspond pas à la vision des responsables doit être sanctionné.

A cet égard, la Commission fait observer que le mineur est un être libre et que cette liberté doit pouvoir être concrètement vécue.

Les divergences de conception et d'opinions entre les éducateurs et le jeune doivent pouvoir s'exprimer selon d'autres modalités qu'un rapport d'autorité qui se déduit d'un règlement à respecter sous peine de sanction.

A défaut, la Commission estime qu'il existe une violation de l'article 4, al. 3 du Code déontologie qui dispose que les pratiques professionnelles "ne peuvent s'inscrire dans un contexte prioritairement sécuritaire ou répressif".

4. En outre, la Commission constate que certaines sanctions posent un réel problème au regard de la législation en vigueur.

A plusieurs reprises, le document fait mention de retenues sur l'argent de poche. La Commission rappelle que l'argent de poche est un droit garanti par l'article 14 du décret de la Communauté française du 4 mars 1991 relatif à l'aide à la jeunesse. La Circulaire du 9 novembre 1994 de la Communauté Française relative à l'aide à la jeunesse précise que cet argent de poche doit notamment permettre au jeune de mettre en œuvre son droit de communiquer. Cet argent doit favoriser l'expression, l'émancipation et l'autonomie du jeune.

L'argent de poche n'a jamais été envisagé par le législateur communautaire comme un moyen de faire pression sur le jeune.

A cet égard, la Commission de déontologie considère que le document qui lui est soumis est contraire à l'esprit du décret de la Communauté française du 4 mars 1991 relatif à l'aide à la jeunesse et, plus particulièrement à son article 14. En outre, en détournant de sa finalité un droit garanti par le décret, les service contrevient à l'article 2, al. 1er du Code de déontologie qui précise que "l'intervenant recherche les solutions les plus épanouissantes pour le bénéficiaire".

A plusieurs reprises également les sanctions consistent en des privations de sortie.

La Commission marque son scepticisme à l'égard de telles sanctions, spécialement si elles consistent à supprimer des retours en famille. En effet, dans ce dernier cas, la Commission y voit une violation de l'article 9 de la Convention relative aux droits de l'enfant qui garantit à l'enfant de pouvoir vivre avec ses parents ou de les rencontrer quand il en est séparé, à moins que ce ne soit contraire à son intérêt supérieur. Il est évident que la privation de retour en famille à titre de sanction ne correspond pas à l'intérêt supérieur de l'enfant car le but recherché par la sanction peut être atteint par d'autres moyens.

Par ailleurs, de telles sanctions contreviennent également à l'article 2, al. 1er du Code déontologie qui dispose que l'intervenant "veille, dans toute la mesure du possible, si les droits et l'intérêt du jeune ne s'y opposent pas, à maintenir la cohésion de la famille et tient compte des attachements privilégiés du jeune, notamment à l'égard de ses frères et sœurs et de ses familiers".

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