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Aide à la jeunesse

Avis 32/02

Demande adressée
par le Directeur d'une A.S.B.L.

Résumé de la demande

Le directeur d'une a.s.b.l., à qui l'administration de l'AWIPH impose de réclamer aux familles un avertissement-extrait de rôle dans le but de déterminer leur participation aux frais de séjour de leurs enfants dans leur institution. Il interroge la Commission quant à la compatibilité de cette demande avec la protection de la vie privée.

Avis du 27 avril 2001

La Commission est saisie d'une demande d'avis introduite par le directeur d'une l'A.S.B.L. La demande est formulée comme suit:

"L'administration de l'AWIPH, sur base du nouvel arrêté du Gouvernement wallon datant du 11/01/2001 et paru au Moniteur belge le 03/02/2001, nous impose de réclamer aux familles un avertissement-extrait de rôle dans le but de déterminer leur participation aux frais de séjour de leurs enfants dans notre institution.

D'une part, il m'apparaît inconcevable d'interroger les familles sur des informations qui touchent leur vie privée et, d'autre part, cette contrainte me semble peu soucieuse des règles de déontologie et me situe dans la rencontre avec les familles à un niveau incompatible avec ma vocation de prestataire de soins médico-socio-psychopédagogiques.

Je ne remets pas en question la pertinence de faire participer aux frais d'hébergement les familles et ce de façon équitable.

Pouvez-vous m'informer sur l'existence de textes sur la protection de la vie privée qui seraient en contradiction avec les instructions qui me sont imposées par l'arrêté?"

Avis

La Commission souligne tout d'abord que l'arrêté du Gouvernement wallon du 11 janvier 2001 modifie l'arrêté de ce même Gouvernement du 9 octobre 1997 relatifs aux conditions d'agrément et de subvention des services résidentiels, d'accueil de jour et de placement familial pour personnes handicapées.

En conséquence, cet arrêté ne concerne pas les services du secteur de l'aide à la jeunesse.

Cependant la pratique révèle que des enfants peuvent être confiés à des institutions visées par cet arrêté par le conseiller de l'aide à la jeunesse, le directeur de l'aide à la jeunesse ou le tribunal de la jeunesse.

Le présent avis est donc limité aux situations où des enfants sont confiés à ces services par les instances susvisées.

La principale disposition de l'arrêté du 11 janvier 2001 du Gouvernement wallon qui semble visée par le directeur de l'A.S.B.L. est le nouvel article 41 bis, et plus particulièrement son § 2, inséré par l'article 18, dans l'arrêté du 9 octobre 1997:

"§ 1. S'il s'agit d'un bénéficiaire jeune accueilli et hébergé dans un service ou dans une famille d'accueil, la part contributive prévue à l'article 40 est fixée par jour de présence du bénéficiaire à un montant indexable, déterminé sur base des revenus annuels des personnes dont il est fiscalement à charge et qui ne peut être inférieur aux deux tiers des allocations familiales ramenées en base journalière. Lesdits montants sont repris à l'annexe XVI, point 2, du présent arrêté.

§ 2. Par revenus annuels visés au § 1er, on entend l'ensemble des revenus imposables pris en considération pour l'imposition en matière d'impôt des personnes physiques, tels qu'ils résultent d'une déclaration sur l'honneur établie selon un modèle défini par l'Agence. La déclaration doit être accompagnée de l'avertissement extrait de rôle de l'impôt des personnes physiques relatif à l'exercice d'imposition précédant l'année de la déclaration sur l'honneur, à défaut du dernier avertissement reçu ou d'une attestation établissant l'absence d'avertissement. De ces revenus sont déduits 60 000 BEF par personne à charge.

Tant que la déclaration sur l'honneur accompagnée des documents requis n'est pas fournie, le montant de la part contributive est fixé à son montant maximum. Il est revu, sans pour autant opérer un effet rétroactif supérieur à un mois, dès le moment où la déclaration sur l'honneur accompagnée des documents requis est fournie.

Si les revenus annuels des personnes dont le bénéficiaire est fiscalement à charge se modifient en cours d'année, le montant de la part contributive est, dans l'attente de la production de l'avertissement extrait de rôle établissant la réalité de cette modification, revu sur base des documents probants fournis.

Le montant de la part contributive est également revu lors de la production d'un avertissement extrait de rôle rectificatif.

§ 3. Les personnes ayant un enfant à leur charge et pouvant bénéficier de l'exonération sociale visée à l'article 2, § 2 de l'arrêté royal du 3 novembre 1993 portant exécution de l'article 37 de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994, tel que modifié par l'arrêté royal du 15 mai 1995, contribuent pour le montant prévu à l'annexe XVI, point 1. Celui-ci ne peut être inférieur aux deux tiers des allocations familiales, ramenées en base journalière".

La Commission rappelle qu'en Communauté française la part contributive des parents à une mesure d'aide ou de protection de la jeunesse est fixée soit par le conseiller de l'aide à la jeunesse dans le cadre de l'aide volontaire, soit par le directeur de l'aide à la jeunesse en cas de mesures contraignantes (art. 55 du décret de la Communauté française du 4 mars 1991 relatif à l'aide à la jeunesse). En cas de contestation des parents, un recours est organisé devant le tribunal de la jeunesse (ibidem).

La Commission rappelle que, historiquement, en protection de la jeunesse, en raison du caractère contraignant et imposé de la mesure, la part contributive des débiteurs alimentaires est fixée par le juge en fonction de leur solvabilité, avec une possibilité de recours et de révision (art. 71 de la loi du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse). La part contributive est versée à l'administration compétente qui peut, au besoin, faire procéder à l'exécution forcée de son recouvrement (ibidem). La procédure mise en place par le décret de la Communauté française du 4 mars 1991 relatif à l'aide à la jeunesse s'inspire directement du régime de la loi du 8 avril 1965.

Cette organisation de la détermination et de la perception de la part contributive tend à privilégier la relation éducative entre le mineur, ses parents, tuteurs et personnes qui ont sa garde d'une part, et le service chargé de mettre la mesure en œuvre, d'autre part. En effet, en désignant une autorité tierce pour fixer la part contributive et instance tierce pour la percevoir, le législateur a veillé à ce qu'aucune question d'argent n'interfère dans la relation entre le service et les bénéficiaires de l'intervention.

Par ailleurs, ce recours à des instances tierces s'indique d'autant plus lorsque la mesure est imposée aux intéressés et qu'ils sont donc susceptibles de ne pas y adhérer. Dans ce cas, il s'impose d'éviter que des éléments périphériques, et notamment des questions financières, viennent troubler le délicat et patient travail de création d'un lien de confiance que doit réaliser le service.

C'est également le caractère contraignant de la mesure qui explique qu'en matière d'aide et de protection de la jeunesse la part contributive tienne compte de la situation financière concrète des débiteurs d'aliments sans recourir à des forfaits, surtout lorsque ces débiteurs sont directement impliqués par la mise en œuvre de la mesure.

C'est enfin ce même caractère contraignant qui justifie que les débiteurs d'aliments disposent d'un droit de recours et de révision.

La Commission constate que le système introduit par l'arrêté du 11 janvier 2001 du Gouvernement wallon déroge d'une double manière au système en application dans le secteur de l'aide à la jeunesse. D'une part, il introduit un système d'évaluation forfaitaire. D'autre part, il impose aux services de réclamer aux débiteurs alimentaires leur avertissement-extrait de rôle.

La Commission est d'avis que pour les mineurs relevant du secteur de l'aide et de la protection de la jeunesse, l'application du procédé prévu par l'arrêté du 11 janvier 2001 du Gouvernement wallon peut poser un double problème au regard du Code de déontologie.

D'une part, le préambule du Code rappelle que "toutes les personnes et tous les services collaborant à l'application du décret… sont particulièrement tenus de respecter les principes et les dispositions contenus… dans le décret de la Communauté française du 4 mars 1991 relatif à l'aide à la jeunesse". Or, l'article 55 de ce décret précise clairement la procédure selon laquelle la part contributive doit être fixée. C'est donc cette procédure qui doit être suivie pour respecter les droits de ceux qui font l'objet d'une intervention. La part contributive doit être déterminée par le conseiller ou le directeur de l'aide à la jeunesse uniquement en fonction des critères déterminés par le Gouvernement de la Communauté française. Si ces instances confient un jeune à un service qui ne relève pas du secteur de l'aide à la jeunesse, il appartient à l'Administration de l'aide à la jeunesse de s'organiser avec l'administration dont relève ce service pour lui verser la contribution qu'elle réclame pour la prise en charge. Si la part contributive décidée par le conseiller ou le directeur n'est pas suffisante, c'est donc à l'Administration de l'aide à la jeunesse qu'il appartient de supporter la différence. Toute autre solution — tant à propos de la détermination que de la perception de la part contributive — aurait pour effet de priver les bénéficiaires des droits qui leur sont garantis par le décret de la Communauté française du 4 mars 1991 relatif à l'aide à la jeunesse, ce qui est contraire au Code de déontologie.

D'autre part, en imposant au service à qui est confié l'enfant l'obligation de demander directement aux débiteurs alimentaires leur avertissement-extrait de rôle, l'arrêté du 11 janvier 2001 du Gouvernement wallon leur impose une obligation qui est contraire au décret de la Communauté française du 4 mars 1991 relatif à l'aide à la jeunesse et à l'esprit qui le sous-tend. En outre, cette obligation a pour effet que le service exerce deux missions à l'égard des bénéficiaires: d'un côté, il est chargé d'une mission d'hébergement et d'encadrement au service des intéressés; de l'autre, il doit réunir, pour le compte de l'administration, des pièces d'ordre financier. Ces deux fonctions sont très différentes tant par leur nature, que par l'objet et que par leur destinataire. A cet égard, la Commission rappelle que l'article 13 du Code déontologie dispose que "l'intervenant ne peut exercer à l'égard d'un même bénéficiaire de l'aide plusieurs fonctions liées à l'octroi, au refus d'octroi ou à la mise en œuvre de l'aide". En l'espèce, une stricte application de l'arrêté du 11 janvier 2001 du Gouvernement wallon à l'égard des jeunes et des familles relevant du décret de la Communauté française du 4 mars 1991 relatif à l'aide à la jeunesse constitue une violation de l'article 13 du Code de déontologie.

Dans ces conditions, la Commission suggère la mise en œuvre d'une des deux solutions suivantes. Soit le conseiller et le directeur de l'aide à la jeunesse se chargent eux-mêmes de demander l'avertissement-extrait de rôle en leur qualité d'instances chargées de fixer la part contributive dans le cadre de l'aide à la jeunesse, et la transmettent directement à l'AWIPH tout en indiquant que la part à payer par l'enfant et sa famille à cette agence — qualifiée également de part contributive dans l'arrêté du 11 janvier 2001 du Gouvernement wallon — doit être réclamée auprès de l'Administration de l'aide à la jeunesse.

Soit une concertation entre le Gouvernement de la Communauté française et celui de la Région wallonne aboutit à trouver une solution qui permette, d'une part, aux intéressés de n'être pas privés des droits que leur garantit le décret de la Communauté française du 4 mars 1991 relatif à l'aide à la jeunesse, et, d'autre part, aux services de ne pas agir en contravention à l'article 13 du Code de déontologie.

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